Depuis plusieurs années, la célébration de Noël a pris dans les villes et même dans les villages une ampleur extraordinaire.
A Spa, un gigantesque épicéa vient d’être installé Place de l’Hôtel de Ville tandis que d’autres arbres plus modestes , ornés de rubans et de cadeaux factices embellissent les entrées des maisons du Vieux-Spa.
Alors que naguère, la Noël, avec ses crèches, sa messe de minuit et ses chants célébrant la naissance de Jésus était surtout une fête religieuse, on assiste aujourd’hui à une évolution marquée vers des coutumes plus profanes que certains milieux, notamment en France, ont dénoncée comme une « paganisation » de la fête de la Nativité. Parmi ces coutumes, certaines, comme le déguisement en Père Noël nous sont venues des Etats-Unis, tandis que le sapin de Noël est davantage une importation plus ancienne de coutumes allemandes ou alsaciennes passées ensuite en Angleterre et en France, et associées à d’autres éléments.
Originellement , en Allemagne, il s’agissait d’un petit arbre de pommes rouges ou d’ornements qui, dans des représentations religieuses populaires, les « Paradeispiels », ayant pour sujet l’histoire d’Adam et Eve, figurait l’arbre du paradis terrestre. Il existait aussi en Autriche des structures pyramidales en bois ornées de bougies. D’autre part, les romans de la Table ronde font état, mais sans relation avec la Noël, d’un arbre surnaturel tout couvert de lumière. Par ailleurs, des Noëls anglais anciens célèbrent le houx et le gui ornant les maisons, plantes qui, alors qu’en hiver la nature semble morte, nous donnent la promesse qu’elle reprendra vie et reverdira. Dans ce contexte, l’arbre de Noël apparaît, ainsi que l’a écrit l’ethnologue Lévi-Strauss, comme une solution syncrétique, c’est-à-dire concentrant en un seul objet des exigences jusque-là données à l’état disjoint : arbre magique, feu, lumière durable, verdure persistante.
Le personnage du Père Noël est tout aussi complexe, de même d’ailleurs que celui de Saint Nicolas. En Amérique, celui-ci, sous le nom de Santa Claus est assimilé au Père Noël, tandis que chez nous, le saint patron des enfants apparaît quelques semaines plus tôt que le Father Christmas. Cette confusion entre ces deux personnages bienveillants vient de ce que les Hollandais, qui connaissaient Saint Nicolas sous le nom de Sinterklaas, figurent parmi les premiers fondateurs de Newyork, qui s’est appelée originairement Nieuw-Amsterdam.
Dans tout le folklore européen on retrouve la trace d’une multitude de personnages qui, à la fin de l’année, apportent mystérieusement des cadeaux aux enfants. Beaucoup sont d’origine païenne, bien qu’en Suisse, en Alsace et en Allemagne, c’était l’enfant Jésus, le Christkindel, qui apportait les cadeaux. En Espagne, ce rôle est dévolu aux Rois Mages pour qui, à l’Epiphanie, les enfants déposent leurs souliers sur les balcons et les fenêtres.
En Italie, à l’Epiphanie, c’est la Befana, vieille femme mi-fée mi-sorcière, qui dépose des jouets dans les souliers des bambini. En Scandinavie, le porteur de cadeaux était Julbok, démon cornu du monde souterrain.
D’autre part, à Rome, des fêtes appelées Saturnales se déroulaient primitivement au 17 décembre, mais à la fin de l’Empire s’étendaient sur sept jours, c’est-à-dire jusqu’au 24, époque du solstice d’hiver. L’Eglise à fixé la date de la Nativité au 25 décembre pour substituer sa commémoration aux fêtes païennes. Celles-ci comportaient l’échange de cadeaux, des festins et la fraternisation entre les maîtres et les serviteurs.
Au moyen âge, le jour des Saints Innocents, le 28 décembre, on élisait dans, les églises un évêque enfant (episcopus puerorum) choisi parmi les jeunes clercs. Habillé en évêque, avec crosse et mitre, il sortait en ville avec des enfants déguisés.
Au XIIième siècle, des coutumes de cette fête se greffèrent au 6 décembre, date de la fête de Saint Nicolas.
En ce qui concerne le saint patron des écoliers et des enfants, l’origine de son compagnon à l’allure effrayante, appelé chez nous Hanscroufe ou Père fouettard a suscité des hypothèses contradictoires. Pour le folkloriste Karl Meisen, il représente le diable dompté par Saint Nicolas et viendrait des drames religieux. D’autres folkloristes lui attribuent une origine plus ancienne en rapport avec les puissances malignes, les démons qui sévissent particulièrement au moment de l’année où les nuits sont les plus longues. Les cortèges masqués de la Saint Nicolas sont particulièrement remarquables en Autriche, spécialement dans le Pongau où, le soir du 5 décembre, les Krampus, vêtus de pelisses, portant des masques effrayants avec des cornes de bouc, rugissent et font tinter les cloches attachées à leur taille.
Quant à Santa Claus ou Father Christmas, il est né aux Etats-Unis en 1822, sous la plume d’un professeur de théologie Clément Clark Moore qui, pour ses enfants, écrivit un poème où ce personnage apparaissait pour la première fois. Il s’agissait en fait d’un petit gnome dont le traîneau et les rennes étaient minuscules pour mieux se faufiler à travers la cheminée. Ce poème eut un grand succès et fut illustré dans des livres et des journaux d’enfants. De nos jours, Santa Claus a pris l’aspect d’un grand vieillard à la barbe blanche et vêtu d’écarlate dont les fourrures et les bottes évoquent l’hiver. Son domicile passe pour être au Groenland, possession danoise, ce qui oblige le Danemark à tenir un bureau de poste spécial pour répondre à la correspondance des enfants du monde entier. Il est possible que cet aspect de la légende vienne du fait que des troupes américaines, au cours de la dernière guerre ont été stationnées au Groenland et en Islande. On constate donc ici encore, que le mythe du Père Noël est constitué d’éléments divers très anciens, mêlés à des formules nouvelles.
Léon Marquet.