Enterrement de Mathy-Loxhet : un grand cru
C’est sous un soleil radieux qu’a eu lieu l’enterrement de Mathy-Loxhet. Mathy Loxhet avait revêtu son plus beau costume, confectionné par les grands couturiers du Centre Culturel. Installé sur son trône, oh combien éphémère, il effectua un dernier tour de sa ville chérie. Il était entouré d’un nombre important d’amis. Les chevaliers de l’ordre de Malte lui firent une haie d’honneur. Suivaient alors une bonne demi-douzaine de prêtres ayant revêtu les ornements sacerdotaux de circonstance, quelques religieuses, moines qui donnaient leur derniers réconforts au pauvre Mathy-Loxhet, non sans inviter également la population à se repentir pour tous les méfaits exercés par notre comparse.
Les membres de la famille, inconsolables, en habit de deuil, pleuraient à chaudes larmes tout en cherchant le réconfort auprès du nombreux public présent tout au long du cortège funèbre. De nombreux amis et connaissances accompagnaient la famille dans ce dernier voyage. On reconnaissait parmi ceux-ci des membres des comités de quartier du Vieux-Spa, du Waux-Hall et pour la première fois du quartier du tennis. D’autres associations étaient également représentées, les Zamateurs, le musée de la lessive et plusieurs particuliers désireux d’apporter leur collaboration à cette manifestation folklorique.
C’est fort d’une centaine de personnes que le cortège a parcouru la ville pour se rendre dans le quartier du Vieux-Spa et au Waux-Hall. L’animation musicale a été assurée par la fanfare des Fourons mais également cette année pour la première fois par la fanfare spadoise l’Echo des Sources. La prestation de nos jeunes concitoyens, leur dynamisme ont été particulièrement appréciés tout au long de l’après-midi.
Une foule considérable attendait le cortège sur l’emplacement de l’ancien temple anglican autour du bûcher. Ce dernier avait été monté par des représentants des comités de quartier du Vieux-Spa, du Waux-Hall et de la troupe des Zamateurs. Profitons de l’occasion pour lancer un appel aux mouvements de jeunesse de Spa qui pourraient utilement apporter leur contribution à la réalisation du bûcher qui constitue une tâche assez astreignante.
Avant d’être monté sur le bûcher, Mathy-Loxhet a voulu une dernière fois se moquer de ses concitoyens. Dans sa rapwertroule, il a évoqué quelques sujets d’actualité tels que : le rond-point de Balmoral qui consolera les nostalgiques du rond-point de la place Royale, le réchauffement climatique, le grand père Noël qui s’est dégonflé, la rénovation du pouhon Pierre-le-Grand qui obligera les Spadois à payer leur boisson préférée et déplacera la fontaine extérieure, le sapin métallique de la place Royale remplacé par une grue pour y faire du saut à l’élastique, le payement pour le ramassage des encombrants, etc, tout cela mis à la sauce humoristique et satirique.
Après avoir été monté au sommet du bûcher (de belle dimension), ce sont les jeunes mariés, Laurence Gérard et André Demarteau qui ont mis le feu aux sapins de Noël, pendant que la fanfare entonnait la marche funèbre. Etouffé dans un immense panache de fumée blanche, Mathy-Loxhet résista encore quelques minutes puis les flammes vinrent lécher ses habits et enfin il soupira dans le brasier torride. Mathy Loxhet a bien brûlé, le feu était superbe, cela nous promet du bonheur pour l’année entière !
Nous avons vécu une belle fête, la qualité de l’animation, des costumes, de la participation des associations permettent de dire que l’enterrement de Mathy-Loxhet peut être considéré comme une manifestation du véritable folklore de notre région.
Renseignements : 087 773000 ou 087 771418
Tout savoir sur Mathy Loxhet
Que signifie Mathy Loxhet ?
Mathy est un prénom très commun dans la région. Loxhey ou Loxhet est la déformation de l’ohê en wallon qui signifie l’os.
Quel est le rapport entre le grand feu et un os ?
L’os est en fait l’os qui reste lorsque l’on a mangé tout le jambon. On a fait ripaille durant les jours de carnaval. Quand la fête est finie, on enterre ce qu’il en reste, c’est-à-dire l’os.
A Outremeuse, le 15 août, on peut assister pour célébrer la fin de la fête à l’enterrement de Matî l’ohê durant lequel les participants se promènent en pleurant toutes les larmes de leur corps derrière un os porté sur un brancard. A Spa, le grand feu et l’enterrement se sont certainement confondus en une même fête à un moment indéterminé mais assez ancien. Donc, on enterre Matî l’Ohê en le brûlant.
Pourquoi un enterrement ?
Il s’agit d’enterrer la fête et de se préparer à faire le carême (période d’abstinence pour les chrétiens). Mathy Loxhet avait lieu le dimanche qui suit le mardi gras. Comme le nombre de fêtes carnavalesques s’est développé ces derniers temps, l’animation spadoise se situe à un moment où il n’y a pas d’autres carnavals. Auparavant, les participants au cortège étaient tous déguisés en costume de deuil.
Depuis quelques années, le cortège de carnaval ayant disparu, des groupes carnavalesques et des sociétés culturelles spadoises animent le cortège avec leurs chars et leurs costumes divers. Il s’agit d’une fête qui célèbre la fin de l’hiver. Les jours allongent , la lumière revient, les premiers signes avant coureur du printemps se manifestent. On parlera donc parfois de brûler le « bonhomme hiver ».
Pourquoi un feu ?
Durant cette période de l’année, on voit fleurir un peu partout dans les villages de la région des grands feux (Creppe, Winamplanche, Nivezé, La Gleize etc). Il s’agit d’une tradition très ancienne. Dans les sociétés traditionnelles anciennes, les phénomènes naturels n’étaient pas toujours expliqués de façon scientifique. Les rites plus ou moins magiques avaient donc toute leur importance pour permettre à chacun de vivre bien. Le grand feu est l’un de ces rites de purification. Le feu brûle, détruit les « crasses » et permet à l’ensemble de la communauté de se débarrasser symboliquement de tout ce qui est mauvais. Ce rite est lié au retour du printemps, période de renouveau, de pureté. Les organisateurs faisaient le tour des habitants pour récolter des combustibles de toutes sortes et les objets dont on n’a plus l’usage. Il n’était pas bon de ne pas donner et de ne pas participer à ce rite commun, sous peine de voir sa maison incendiée par les mauvais esprits.
Pourquoi les jeunes mariés allument-ils le feu ?
Il était très important pour la communauté rurale de pouvoir continuer à survivre en ayant une bonne récolte permettant de faire face aux famines et aussi une descendance qui assurera les vieux jours des adultes et le développement du village. Le Grand Feu est donc une manifestation qui veut forcer le destin en apportant la fécondité. C’était souvent le moment où les couples se formaient ou se manifestaient en public. En allumant le feu, les derniers mariés apportent la fécondité à toute la communauté mais désirent également la recevoir pour eux-mêmes. Une vieille tradition, que nous ne remettrons pas à l’honneur, rassurez-vous, consistait à demander à une jeune fille d’uriner dans le trou réalisé pour monter la potence. Il s’agissait de féconder la terre, afin que les récoltes soient abondantes. Dans ce sens, le grand feu y participait puisque les cendres étaient précieusement récoltées et épandues dans le champ. La potasse contenue dans les cendres est en effet un excellent engrais.
Pourquoi faire un discours avant la mise à feu ? Que veut dire la rapwertroule ?
Le moment du carnaval est un moment très particulier dans la vie de la communauté. Il est un moment de désordre, de « monde à l’envers ». Durant le carnaval, on peut faire ce que l’on ne fait pas d’habitude et notamment se moquer des autorités et des personnages de la communauté. Il ne s’agit nullement de régler ses comptes, mais de se permettre de renverser les rôles. Cette satire se veut actuellement gentille et dans certaines localités, c’est celui qui n’est pas égratigné qui est le plus offusqué. Durant les siècles précédents, les autorités notamment religieuses ne voyaient pas d’un très bon œil ces manifestations populaires, tout en considérant qu’il s’agissait d’une forme de défoulement encadré momentanné, qui permettait de renforcer les règles assez strictes de vie en société durant toute l’année. Le mot « rapwertroule » est un mot wallon qui signifie racuspoter. Cette tradition peut prendre d’autres formes par exemple les « rôles » à Malmedy ou les affiches satiriques à Stavelot.
Nous aurons l’occasion de décrire d’autres aspects de cette manifestation très riche de signification. Chacun la vivra comme il l’entend. Elle me semble cependant être plus qu’une simple fête. Elle peut être un rassemblement de la communauté spadoise, (si l’on pouvait réaliser un magnifique rondeau autour du feu), un moment qui manifeste la puissance de la vie, le désir de renaître après un hiver rigoureux !
Pol Jehin