Il était aux environs de midi, mardi 7 mai, quand le conducteur d’un camion transportant des sacs de terreau qui devaient être livrés à Spa, a perdu le contrôle de son véhicule en descendant la rue de la Sauvenière pourtant interdite à la circulation des camions de plus de 7 tonnes. Les freins n’ont pas résisté à la longue descente.
Le camion a tout d’abord percuté lourdement une voiture dans laquelle se trouvaient Madame Ghistelinck et son fils qui ont été grièvement blessés. Il a ensuite heurté violemment les façades de la boulangerie Thiry et des maisons voisines. Continuant sa course folle, il a fauché un monsieur de 71 ans, M. Pirotton qui se promenait sur le trottoir du Britannique. Il est malheureusement décédé sur place. Enfin, le camion s’est encastré dans une maison de l’autre côté de la route où il a pris feu. Le conducteur originaire de Lommel est décédé sur le coup.
En plus des victimes humaines, il faut déplorer des dégâts matériels importants. Même si aucun immeuble ne devra être démoli, certaines personnes ont dû être relogées et l’on imagine les problèmes concrets, d’assurances que ces riverains devront subir.
Notons aussi que les services des pompiers et des secours sont intervenus très rapidement et efficacement ! L’émotion a été intense dans la ville et les personnes du quartier ont été très choquées. Le sentiment d’insécurité est d’autant compréhensible que c’est le troisième accident que l’on connaît dans la rue.
Les accidents de 1946 et de 1986 (Lien vers l’article de 2002)
Auparavant, la Sauvenière a connu deux gros accidents avec des « camions fous » : le premier eut lieu le 28 mai 1946, lorsque les freins d’un camion chargé de 20 tonnes de planches lâchèrent subitement, celui-ci s’encastra violemment dans des maisons du bas de la rue de la Sauvenière. Avec le choc, certaines planches glissèrent jusque devant les Arcades. Miraculeusement, cet accident ne fit qu’une seule victime : le chauffeur du camion. Le convoyeur qui avait sauté du camion à hauteur du chemin Futvoie s’en sortit avec des blessures aux chevilles. Cet accident créa beaucoup d’émoi au sein de la population spadoise. Les photos prises par M. Defraiteur témoignent de la violence du choc. Notons que le camion n’était pas assuré et que les propriétaires des maisons touchées n’obtinrent jamais la moindre indemnisation.Le deuxième accident important eut lieu 13 octobre 1986 : le scénario fut à peu près le même qu’en 1946. A nouveau, c’est un camion chargé de 20 tonnes de planches qui perdit le contrôle de ses freins et à nouveau des planches ont glissé dans la rue. Mais cette fois, le bilan est plus lourd : l’accident a fait trois victimes: le chauffeur et son convoyeur (sa fille de 19 ans) ainsi qu’une dame âgée.
Entretemps il y avait déjà eu trois autres accidents : vingt ans plustôt un camion de mazout : pas de victime, puis un camion de ferrailles : une passante tuée, le chauffeur indemne et en avril 83, un camion de porcelaine qui avait percuté les barrières et le coin du Britannique sans faire de victime. Ironie du sort, lors de l’accident de 86, M. Beaupain était en train de réparer des dégâts causés par l’accident précédent.
Sous la violence de l’impact, l’une des quatre maisons touchées s’effondra complètement, un chancre s’installa à cet endroit car la réparation de la maison attendit plus de 15 ans.
Ce que la presse ne révéla pas, c’est qu’il y eut tout de même dans cet accident un petit miracle. En effet, à l’étage de l’une des maisons, dormait la petite fille de Madame Geron, âgée d’à peine 15 jours. Sous l’impact du camion fou, la fenêtre de sa chambre éclata en morceaux. Un montant traversa de part en part le lit en déchirant la toile, sans toucher la petite fille. Il y avait des débris de verres partout. Malgré cela, la petite continua de dormir et sa maman trouva même un petit morceau de verre sur son oreille.
En 2002, Jean-Marc Monville écrivait dans notre revue : « Dans la Meuse du 14 octobre 86, on pouvait lire : « l’accident de Spa va sans nul doute faire rebondir le débat ». Le débat peut-être, quant à des mesures concrètes : on attend toujours ! Suite à l’accident, il y a bien eu des réunions avec les habitants du quartier et des responsables politiques; certains ont proposé la construction d’une voie de détresse à hauteur du croisement avec la route du Tonnelet et l’avenue Camille-Bellenger (cela aurait aussi ralenti les voitures qui auraient dû contourner cet îlot), d’autres ont parlé d’un rond-point à hauteur de la route du Tonnelet et il semblerait que c’est cette dernière solution qui ait été retenue. Espérons en tout cas qu’une solution sera enfin réalisée avant qu’un prochain accident ne survienne ! »
Malheureusement, force est de constater que rien n’a été fait en 2013.
Les actions et propositions des habitants du quartier
A l’initiative de deux habitantes du quartier de la Sauvenière, une semaine après l’accident, une cinquantaine de personnes se sont rassemblées devant l’hôtel de ville afin de rendre mémoire aux personnes décédées et de manifester leur solidarité avec les personnes qui ont été victimes de l’accident; les blessés et ceux qui ont subi d’importants dégâts matériels. Ils ont voulu également montrer aux autorités communales qu’il était important d’agir rapidement pour que des mesures soient prises afin de garantir la sécurité des personnes dans cette rue.
En vue de faire connaître leur point de vue et de faire pression sur les responsables de la ville et de la région, les habitants ont lancé une pétition qui a recueilli 1065 signatures (uniquement par contact et non par mail). Cette pétition leur a été adressée. En voici quelques extraits.
En novembre 2011, le jour du marché aux noix, un semi-remorque espagnol chargé de voitures neuves s’est arrêté d’urgence en face du Britannique, les freins brûlés. La catastrophe a été évitée de justesse. La majorité des Spadois ne le sait pas. Les habitants de la rue de la Sauvenière et les élèves vivent au quotidien cette insécurité. Le 7 mai 2013, nous sommes tous atterrés. Depuis, les camions de plus de 7 tonnes continuent d’emprunter cette voie interdite, laissant sur leur passage une odeur d’huile trop chauffée…
Nous faisons appel à votre bons sens, votre bienveillance et votre humanité afin d’améliorer durablement la sécurité et le quotidien non seulement des riverains mais aussi de toute la population spadoise et de plus d’une centaine d’élèves qui traversent chaque jour le quartier pour rejoindre l’internat du Britannique et, pour certains, le centre PMS. La sécurité routière est un droit pour tous.
Nous pensons que la route de contournement, remise à l’ordre du jour par Monsieur le Bourgmestre, n’empêchera pas la conduite dangereuse, indisciplinée et irresponsable de certains automobilistes et camionneurs. Il est indispensable de dissuader ceux-ci de rouler trop vite, tant dans la montée que dans la descente de la Sauvenière. Il est nécessaire d’interdire physiquement les plus de 7 tonnes de s’aventurer sur cette voie. Nous souhaitons dès lors que des décisions soient prises et concrétisées rapidement, de commun accord, sans distinction de couleur politique, dans le respect de chaque intervenant et surtout dans l’intérêt des citoyens spadois, qu’ils puissent retrouver leur sérénité.
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Nous demandons :
- A la sortie d’autoroute Francorchamps, déjà signaler l’interdiction des plus de 7 tonnes en direction de Spa.
- Au pied de la montée à Francorchamps, une indication d’interdiction formelle aux plus de 7 tonnes (et non pas préciser « dans 3 km », cela induit en erreur. Le camionneur peut s’imaginer qu’une autre voie lui sera proposée à 3 km… Or, une fois qu’il est engagé, il est difficile de faire demi-tour.)
- Des mini chicanes sur un kilomètre après le Domaine de Malchamps, telles qu’on peut en voir à la sortie de Francorchamps en direction de Stavelot ou dans la descente du Maquisard vers La Reid.
- Soit un portique à Francorchamps avant la montée vers Spa en prévoyant une desserte uniquement accessible aux bus et aux pompiers, soit un portique à hauteur de l’aérodrome de manière à ce que les pompiers puissent y accéder et retourner vers Spa en passant par Nivezé. Aménager l’espace pour qu’un camion puisse rebrousser chemin. Quant aux bus, envisager un autre itinéraire vu le nombre très réduit d’habitations au-delà de l’aérodrome.
- Un rond-point au carrefour du Tonneletet/ou à la source de la Sauvenière.
- Un élargissement de la zone 30 entre Ecosun et l’arrêt de bus rue Rogier avec un marquage grenat au sol sur toute cette zone.
- Un renforcement de la signalisation « limitation à 30km/h » et « zone scolaire » (Panneau signalétique « Ecole » clignotant).
- Une installation, dans les deux sens, de panneaux radars pédagogiques avec smiley.
- Un passage clouté sécurisé avant le pont dans la descente avec marquage grenat au sol et un feu avec commande pour piétons.
- Un passage clouté sécurisé juste après l’entrée du Britannique avec marquage grenat au sol qui remplacera celui du carrefour Renesse – Silvela dont la visibilité est nulle en venant de Francorchamps.
- Des contrôles soutenus de vitesse.
- Une signalisation indiquant « sortie de véhicules ». Sur la zone 30 suggérée, on compte plus de cinq cours d’où sortent des voitures… (+ Le Chemin Henrotte d’où la visibilité est très mauvaise).
Depuis le 7 mai, plusieurs semi-remorques ont encore eu l’audace de descendre la rue de la Sauvenière ou s’y sont engagés faute d’informations précises en amont. Tant qu’une infrastructure adéquate ne sera pas mise en place, nous ne serons pas à l’abri d’autres accidents mortels.
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En attendant donc que des travaux de sécurisation permanente soient entrepris, nous réclamons dès à présent des mesures temporaires efficaces telles :
- A la sortie Spa de l’autoroute (actuellement fermée), un affichage clair pour les plus de 7 T annonçant le trajet à effectuer.
- Une caméra de surveillance à Francorchamps au pied de la montée vers Spa.
- Une équipe d’agents prête à arrêter et détourner les camions en infraction et une verbalisation répressive (les cinquante euros demandés actuellement sont loin d’être dissuasifs).
- Un contrôle soutenu de la vitesse dans les deux sens.
- Ou toute autre mesure proposée ci-dessus qui demande peu de temps de réalisation.
Au conseil communal : « Plus Jamais »
Une trentaine de riverains ont également manifesté leur présence au dernier conseil communal en arborant sur leur vêtement ces mots « plus jamais ». Chaque jour, nous raconte un habitant sinistré de la rue de la Sauvenière, nous voyons des camions de gros tonnage descendre la rue. Il faut que cela cesse le plus rapidement possible si l’on veut éviter une nouvelle catastrophe. Nous continuerons à nous faire entendre afin que les propositions d’aménagement ne restent pas lettre morte comme en 1986.
Les décisions des autorités
- Deux panneaux lumineux sur remorques ont déjà été installés -sur la N62 au Trou Hennet (Francorchamps) et à la source de la Sauvenière afin d’attirer l’attention sur l’interdiction aux plus de 7,5 T de circuler dans la descente de la Sauvenière ;
- La ligne 750 du TEC (jours scolaires) sera déroutée afin d’éviter le portique (les services d’épandage et de secours pourront continuer à descendre la route)
- La signalisation sera renforcée à divers endroits
- Un portique limitant la hauteur à 2,70 m sera placé au Trou Hennet, au pied de la montée vers Spa ; la construction d’un rond-point est prévue, ce qui facilitera le demi-tour des poids lourds.
- La construction d’un rond-point au carrefour du Tonnelet sera proposée dans la suite de l’élaboration du plan de mobilité de Spa.
- Les entreprises spadoises qui reçoivent des livraisons au moyen de poids lourds seront invitées à donner une information sur les itinéraires d’accès ;
- Un renforcement des amendes en cas d’infraction à la limitation de poids sera demandé aux autorités fédérales ;
- Les contrôles de police seront renforcés
Le 22 mai, une réunion entre le collège communal et direction du MET et les diverses instances concernées rassemblant 27 personnes a été organisée pour apporter des réponses au problème de la descente des camions de plus de 7 tonnes. Plusieurs décisions ont été prises. Certaines peuvent être concrétisées rapidement, d’autres demanderont quelques mois ou années pour être réalisées.
Une autre réunion sera organisée avec les représentants de la Ville, du Met et des habitants du quartier pour envisager des solutions par rapport aux passages pour piétons, à l’élargissement de la zone 30, à la vitesse des véhicules.
Une route qui n’aurait pas dû être construite !
La route de la Sauvenière dans son tracé actuel a été construite en 1779. Auparavant, pour se rendre à la Sauvenière, on empruntait à hauteur de l’ancien viaduc de chemin de fer, la rue Chelui jusqu’à son extrémité. Au carrefour donnant sur un chemin qui mène au gué du ruisseau des Artistes, on prenait à gauche. Le chemin traversait la route actuelle pour rejoindre une allée recouverte de pavés (attribuée à tort aux Romains) qui menait à la source.
Albin Body (Ed Culture et civilisation Tome 2 page 385) citant Jean-Louis Wolff montre que cette route était critiquée dès son projet de construction. « Il était urgent et nécessaire de faire un bon chemin pour aller à la fontaine de la Sauvenière, mais il ne l’était point d’outrepasser cette fontaine, et surtout aux frais de la Commune, Spa n’ayant aucune relation commerciale avec Stavelot et Malmedy. C’était le grand intérêt de ces deux villes pour le transport de leurs cuirs et de leurs écorces. Des raisons bien puissantes auraient dû au contraire éloigner toute idée de faire passer par Spa une grande route, d’abord à cause de bruit des rouliers, du claquement de leurs fouets, à 2 et 3 heures du matin, ce qui éveille les étrangers.
Il ajoute « la seule et unique direction pour aller à la Sauvenière et même pour continuer au-delà était celle qui partait de Spa en suivant le chemin qui traverse le hameau de Préfayhai. Outre qu’elle aurait rendu florissant ce hameau, elle aurait passé près des deux fontaines minérales le Tonnelet et le Watroz … Elle fournissait une jolie promenade en pente douce de Spa au Tonnelet.
« Déjà les piquets y étaient mis, et les alignements tracés, lorsqu’on insinuât aux sociétaires de la Redoute (casino) qui étaient aussi nos magistrats que la route en passant si près du Tonnelet, il se pourrait que les deux médecins Maillard et Vivegnis donnent à jouer et à danser dans les bâtiments qu’ils venaient de faire construire à cette fontaine. Aussitôt, le plan de cette nouvelle route fut abandonné et on se hâta de tracer celle que nous voyons aujourd’hui. Elle a coûté plus du double que celle projetée, passant par le hameau de Préfaihay. »
Selon Wolff, en engageant cette somme importante pour la construction de la route, les actionnaires de la Redoute espéraient que la Commune (dont ils étaient pourtant les responsables) ne puisse pas reprendre le bail de la Redoute (de 40 ans) dont la Commune s’était réservée le droit. Ce qui malheureusement se vérifia et les actionnaires purent ainsi récolter à leurs bénéfices les énormes gains des jeux.
Pol Jehin