Depuis quand le hameau existe-il ?
La découverte de grattoirs dans le Haut-Nivezé ainsi que d’un nucléus dans les environs du Tonnelet est-elle suffisante pour attester une présence humaine à l’époque préhistorique ? La présence de scories au Trou Gonet, à la Fraineuse et au Pont de Stavelot est-elle suffisante pour confirmer une activité métallurgique au Moyen Age alors qu’aucun écrit n’en fait mention ? Par contre, il est certain que le hameau existe au moins depuis le 16e siècle ; Albin Body, l’historien spadois, nous apprend que Nivezé comptait 5 habitations en 1576. Jusqu’à la révolution de 1789, le hameau de Nivezé faisait partie des bans de Spa et de Sart. Les deux bans étaient alors séparés à cet endroit par un ruisseau, le Soyeureux.
Aujourd’hui, le même Soyeureux divise toujours le village en deux parties dépendant respectivement des communes de Jalhay (Sart avant 1977) et de Spa. Dans la seconde moitié du 19e siècle, la ligne de chemin de fer qui déssert Spa est prolongée vers la frontière du Grand-Duché de Luxembourg et traverse la campagne en passant au sud de Préfayhai et au nord de Nivezé. En 1918, le Grand quartier Général allemand s’installe à Spa, les villas Peltzer situées à Nivezé seront réquisitionnées pour héberger le kaiser Guillaume II et sa suite. Après la Grande Guerre, il y avait à Nivezé (Préfayhai et Warfaaz inclus) une cinquantaine de fermettes en activité. Vers 1920, il y avait 62 habitations et une étude anonyme précise qu’en 1933 le village était habité par 350 personnes.
En 1977, la fusion des communes ne permit pas, malgré le souhait des villageois exprimé via un référendum (plus de 81% des Nivezétois souhaitaient être rattachés à Spa), de réaliser l’unification du village au sein d’une même commune. De nos jours, Nivezé est devenu essentiellement résidentiel, il n’y a plus qu’un seul agriculteur. Le Groupe CERAN, le Domaine de Nivezé, deux maisons de repos et de soins, la coopérative Nivezé-Prévoyance (banque-assurances), plusieurs restaurants ainsi que quelques indépendants constituent le tissu économique du village.
En analysant la carte du comte de Ferraris, datant de 1777, considérée comme fiable pour l’époque(voir page suivante), on se rend compte qu’en réalité deux hameaux très proches, « Nivesée » (ban de Spa) et « Pouont » (ban de Sart), sont à la base de la formation du Nivezé actuel. Il y avait pour les deux hameaux un peu plus de vingt maisons. Quand et dans quelle circonstance le nom du hameau de la partie sartoise du village a-t-il disparu ?
L’orthographe du nom des deux hameaux a varié au fil du temps. Pour le hameau du ban de Spa, sur un document de 1571, on trouve le nom de « Niffeseit », un autre écrit de 1663 cite « Nifzé », la carte Ferraris de 1777 mentionne « Nivesée » et le plan Popp de 1860 parle de « Nivezé ». Concernant le hameau du ban de Sart, un document de 1668 mentionne « Pouilhons », la carte du R.P. Le Clerc de 1730 indique « Pouxhon » et la carte Ferraris de 1777 cite « Pouont ».
Les habitants de Nivezé sont surnommés « les Campinaires » parce que jadis, ils adoraient la valse. Valser = tourbillonner comme une toupie, et en wallon, toupie et campinaire, c’est bonnet blanc et blanc bonnet.
La paroisse
Jusqu’au début du 20e siècle, les Nivezétois n’avaient pas de lieu de culte. Ils devaient se rendre à Spa ou à Sart. En 1906, le doyen de Spa propose que la zone située à l’est de la ville de Spa (Préfayhai-Nivezé-Warfaaz) soit érigée en paroisse ; ce sera chose faite en juin 1908. Deux mois plus tard, une Spadoise offre à la Fabrique d’église de la nouvelle paroisse un terrain situé près du ruisseau le Soyeureux afin d’y édifier un lieu de culte. Une petite chapelle en bois voit le jour en automne 1909 ; elle est dédiée à Saint Gérard Majella. Le 11 février 1932, le petit sanctuaire est ravagé par un incendie. L’église actuelle, de style néogothique moderne, est construite au même endroit suivant les plans de l’architecte spadois Marcel Paës. Elle a été inaugurée le 10 octobre 1935 ; elle est consacrée à Sainte-Thérèse de l’Enfant Jésus. De nos jours, il n’y a plus de prêtre résidant à Nivezé ; depuis 2008, l’église du village est redevenue une chapelle rattachée à la paroisse Saint-Lambert de Sart.
Noms des desservants
François Sèle de 1908 à 1916 (le premier curé),
Jules Cormeau de 1916 à 1926,
Albert Lysens de 1926 à 1928,
Ivan Darimont de 1928 à 1942 (décède inopinément à Tiège pendant une cérémonie funèbre, sa tombe se trouve au cimetière de Spa),
Georges Lespire de 1942 à 1981,
Joseph Pirnay de 1981 à 1989,
Henri Bastin de 1989 à 2000,
de nos jours André Lieutenant (curé des paroisses de Sart, Jalhay, Surister, Solwaster, Tiège et Nivezé).
L’école
C’est vers 1840 qu’une école privée est créée par Jean-Joseph Daubois. Elle se situait rue Large Voie. En 1851, elle est adoptée par les communes de Sart et de Spa devenant ainsi l’école communale de Nivezé ; elle comptait une vingtaine d’élèves. Une nouvelle école est construite entre 1860 et 1862 le long du chemin du Cu du Pré (avenue Jean-Baptiste Romain), il y avait 30 élèves inscrits. En 1891, 63 élèves suivent les cours et un sous-instituteur est engagé pour s’occuper des trois premières années. L’école est agrandie à plusieurs reprises : en 1897 (construction d’une seconde classe), en 1930 (construction d’une troisième classe), en 1964 (un bâtiment préfabriqué offre 3 nouvelles salles de classe aux petits Campinaires), en 1983 (achat de la maison Gernay pour abriter les classes maternelles). En 1975, la Ville de Spa fusionne les écoles communales de Nivezé et de Creppe. Après vingt ans d’attente, le 8 novembre 2014, une nouvelle école est inaugurée par les bourgmestres de Spa et de Jalhay.
Liste des instituteurs :
Jean-Joseph Daubois de 1840 à 1857,
Pierre-Antoine Berben de 1862 à 1869,
Jean-Paul Dessart de 1869 à 1870,
Jules Remy de 1870 à 1874,
Jean-Jacques Renkin de 1874 à 1878,
Jean-Baptiste Romain de 1878 à 1907,
Camille Gaspar de 1891 à 1894,
Louis Servais de 1894 à 1896,
Julien Bodeux de 1896 à 1927, Melle Fléron de 1907 à ? ,
Henri Tefnin de 1927 à 1955,
Jeanne Tombeur de 1929 à 1955,
Melles Magnée et Bilhiet (pendant la 2e Guerre),
Michèle Latour en 1953 et 1955,
Madeleine Defossez en 1955,
Jean Micha de 1955 à 1979,
Francine Hurdebise de 1955 à 1981,
Marie-Thérèse Jérôme de 1955 à 1986,
Jeanine Sente de 1960 à 1964,
Mariette Houyon de 1964 à 1971,
Monique Maas de 1971 à 2005,
Annette Villerelle de 1975 à 2013,
Jacqueline Gérard de 1978 à ? ,
André Godard de 1979 à 2002,
Marcelle Piette de 1981 à 2010,
Luc Auvray de 2010 à 2013
Actuellement, l’école communale est dirigée par Mme Valérie Parmentier.
Sur le site de Nivezé, elle est assistée de : Cateline Cozar, Vanessa Holler, Anne Thomé, Fabienne Poncin, Marie-Noëlle Herremans, Valérie Stassart, Christine Bas, Nancy Grignard, Catherine Hurdebise et Caroline Courbe.
Les commerces
De nos jours, il n’y a plus au village et dans ses alentours immédiats que des établissements du secteur Horeca (voir Réalités d’octobre 2014) ; mais auparavant, jusqu’à la fin du 20e siècle, il y avait également des commerces de proximité. Parmi ceux-ci, on peut citer :
l’épicerie tenue par Antoine Laguesse et Maria Servais de 1933 à 1955 (par la suite Mariette Bruhl-Lejeune de 1955 à 1963, puis Yvette Guermonprez-Jérôme de 1963 à 1991, suivie de Monique Moureau-Michel de 1991 à 2009), l’épicerie Witvrouw (avec café) avant la 2e Guerre, l’épicerie de Catherine Belche-Jérôme (avant la 2e Guerre), l’épicerie Mathy de 1938 à 1940, l’épicerie de Jeanne Tordeur de 1942 à 1955 (par la suite Emma Helman-Piette de 1955 à 1960), l’épicerie de Georgette Hans-Gernay de 1960 à 1972 (de 1950 à 1960, c’était une mercerie), l’épicerie de Madeleine Smeyers-Mestdagh de 1960 à 1965, la mercerie de Marie-Jeanne Gerlaxhe-Albert de 1938 à 1950, la boulangerie de Jean Jérôme (par après son fils Paul) avant la 2e Guerre, la boucherie d’Arthur et Maurice Jérôme (vers 1930), le restaurant Verknocke dans les années trente (transformé en café dans les années quarante par
Jean Boutet-Gillet), l’établissement de la source du Tonnelet (pension de famille tenue par Jeanne Decorty avant la 1ère Guerre, ensuite on peut citer : Ernest Gernay, la famille Wilkin, la famille Kieltijka).
Les pouhons
Au village de Nivezé coulent plusieurs sources d’eaux ferrugineuses qui portent le nom de « pouhons ». La plus emblématique est la source du Tonnelet (altitude 327 m). Connue dès le 16e siècle sous le nom de « Frayneuse », cette source se trouve à l’entrée de la localité en venant de Spa. Au 17e siècle, elle connaît une certaine vogue grâce au médecin des archiducs Albert et Isabelle. Elle a ensuite été appelée Tonnelet parce que le griffon principal était recueilli dans un bassin en forme de tonneau. La source tombe ensuite en désuétude jusque vers 1750. Dans la seconde moitié du 18e siècle, elle est à nouveau fort fréquentée car le pharmacien Briard fonde un établissement des bains contigu à la source. Les bâtiments actuels, achevés en 1884, sont l’œuvre des architectes Devivier et Hansen. La source du Tonnelet était la première source que les « Bobelins » découvraient lorsqu’ils effectuaient le « Tour des Fontaines ».
Non loin de là se trouve le pouhon Duc de Wellington capté en 1908-1909 (la source n’est plus accessible depuis 1971) et la source Marie-Henriette (non accessible).
Sur les hauteurs du village, on trouve la source de la Sauvenière et la source Groesbeek. D’autres anciens pouhons sont situés de nos jours dans des propriétés privées : le Watroz, le pouhon de Warfaaz (anciennement source du Bricolet). Il y a également des sources non ferrugineuses ainsi que des mofettes d’acide carbonique gazeux (les trous au mauvais air).
Le lac de Warfaaz
Le lac de Warfaaz, anciennement Warfaz, appelé aussi le barrage du Wayai, a été construit sur ce ruisseau de 1890 à 1892 par les entrepreneurs E. Houssa-Tricot et C. Collard. Sa superficie est de 6 ha, sa profondeur varie de 1,5 à 8,5 m et sa capacité est de 360.000 m3. Le lac se situe à l’altitude de 295 m. Il a fallu un an pour le remplir ; son inauguration a eu lieu le 21 juillet 1894.
Amenée par une conduite en fonte d’une longueur de plus de 2 km, l’eau du lac servait à l’entretien permanent des égouts, au nettoyage des voiries et à l’arrosage des plantations de la cité thermale. Certains hôtels spadois disposaient de 2 canalisations d’eau : l’une d’eau potable et l’autre d’eau du lac pour les travaux ménagers. Le lac avait aussi un but de régulateur pour éviter les inondations dues aux dangereux excès du Wayai. Le plan d’eau ajoutait également un attrait touristique non négligeable pour la région en offrant le plaisir de la pêche, du pédalo et du canotage. Dans les années cinquante, des courses de canots automobiles (hors-bord) y furent même organisées. Au printemps 1979, d’importants travaux de dévasement sont entrepris, ils dureront quatre mois ; à la mi-juillet, un violent orage s’abat sur la région, en 36 heures le lac est rempli.
La tuerie de la Sauvenière
Le lundi 27 décembre 1909 a eu lieu au restaurant de la Sauvenière, restaurant isolé tenu par Edouard Evrard, un drame atroce, un quadruple assassinat (le restaurateur, son épouse Leopoldine Chardez, sa fille Lucie et sa mère Rosalie Lebalue). Un siècle plus tard, cet événement tragique reste gravé dans la mémoire des habitants de Nivezé et des alentours, à tel point que le bâtiment est toujours connu par les régionaux sous le nom de « la maison du crime ».
Pourquoi un tel massacre ? L’instruction démontrera très vite que le vol était le mobile des crimes. En effet, si d’habitude le restaurateur Evrard ne vendait que pour quelques francs par jour, il apparut que lors de grandes manifestations (des courses à l’hippodrome de la Sauvenière, des concours au tir de Malchamps, le meeting d’aviation de l’automne 1909) sa recette journalière atteignait plus de 200 francs, somme importante à l’époque et pour ces occasions, il était amené à engager du personnel. Dix jours après le drame, une lettre anonyme en provenance de Bruxelles dénonçait les intentions de trois garçons de café qui avaient parlé d’un bon coup à faire près de Spa ! Suite à ces informations, les enquêteurs remontèrent très vite à Louis Julien, un Français employé par l’aubergiste nivezétois pendant la période du meeting d’aviation et qui l’avait quitté en complet désaccord. Le 16 janvier 1910, Julien était arrêté à Amiens ; ses trois comparses, également français, furent interpellés en France dans les mois qui suivirent. Le procès eut lieu à Amiens, fin octobre 1911. Pour Julien, l’instigateur, ce fut la peine de mort et pour ses complices les travaux forcés à perpétuité. Finalement, Julien bénéficia de la grâce présidentielle et il fut incarcéré avec les trois autres au pénitencier de l’île de Ré en attendant d’être transféré en Guyane.
Le Kaiser
Le séjour spadois de Guillaume II, l’empereur d’Allemagne, a laissé des « traces » à Nivezé. C’est en effet aux châteaux de la Fraineuse et du Neubois, propriétés Peltzer situées aux abords du village, que le monarque allemand a séjourné à plusieurs reprises lorsqu’il était dans notre région.
Des aménagements très importants furent apportés à certaines propriétés. Au Neubois (résidence du kaiser), ainsi qu’au Sous-Bois (résidence du maréchal von Hindenburg) et à Hill Cottage (résidence du général Ludendorff), des abris bétonnés et blindés furent construits en prévision d’attaques aériennes. Le Neubois fut relié à la ligne de chemin de fer Spa-Stavelot par une voie ferrée de type « Decauville » qui prenait naissance au-dessus de la halte de Nivezé. La ville dut construire une canalisation d’eau pour alimenter convenablement le château du Neubois, ce qu’elle fit en se servant d’une source jaillissant près du tir de Malchamps.
Guillaume II résida à Nivezé durant une grande partie du printemps et de l’été 1918, mais il fit néanmoins de nombreux déplacements notamment en Allemagne et sur le front situé dans le nord de la France. Cette présence impériale fut très contraignante pour les Nivezétois, car une surveillance spéciale était organisée autour des résidences précitées par la police secrète. La zone délimitée par la route de la Sauvenière, la route du Tonnelet, Watroz, la route reliant les fontaines du Tonnelet et de la Sauvenière, la promenade d’Orléans et la chemin Sous-Bois avait été décrétée zone interdite. Pour se rendre au village en venant de Préfayhai, il fallait montrer 2 fois sa carte d’identité et pour aller du village à Spa via Warfaaz, il y avait 2 contrôles : l’un sur le barrage du lac et l’autre à l’entrée du domaine de la Fraineuse.
Jean Lecampinaire
Sources :
Spa, histoire et bibliographie – Tome III (A. Body – 1981)
La commune de Spa – Monographie géographique (F. Cerfontaine – 1994)
Rues et Promenades de Spa (G.-E. Jacob – 1981)
Sources minérales et fontaines de Spa (Comité Culturel de Spa – 1991)
Le drame de la Sauvenière (P. Den Dooven – H.A.S. – 1988 et 1989)
Spa pendant la guerre 1914-1918 (J. Macquet – 1919)
La petite histoire du village de Nivezé (A. Hans – 2011)
Un grand merci pour tous ces renseignements. Quel plaisir de lire l’histoire de mon village !