Ster

Le hameau de « Ster », extrait de la carte Ferraris de 1777 (I.G.N. – www.ign.be)

Le hameau de « Ster », extrait de la carte Ferraris de 1777 (I.G.N. – www.ign.be)

Jusqu’en 1795, le village de Ster (altitude 465 mètres au niveau de l’école) faisait partie de la principauté abbatiale de Stavelot-Malmedy et plus spécifiquement du ban de Ster et Francorchamps. De la fin de l’Ancien Régime jusqu’en 1977 (date de la fusion des communes), il était situé sur la commune de Francorchamps. De nos jours, il fait partie de la commune de Stavelot.

Le toponyme « Ster » signifie défrichement, essartage, endroit déboisé. Les habitants de Ster sont des « Sterlains ». Au début du 16e siècle, la population du village de Ster était plus importante que celle du village de Francorchamps ; cette situation durera jusqu’au 19e siècle (au début du 19e siècle, il y avait 228 habitants à Ster et 193 à Francorchamps). Après l’ouverture de la ligne de chemin de fer Spa-Stavelot-Gouvy faisant arrêt à Francorchamps, la situation s’inversera. Il faut rappeler que les habitants de Ster s’étaient opposés farouchement au passage de la voie ferrée près de leur village qui pourtant avait été retenu dans le projet initial.

Un document, daté du milieu du milieu du 18e siècle, nous apprend qu’il y avait à « Ster » : 40 maisons (14 bonnes et 26 médiocres), 320 bêtes et 14 chevaux.

Le soir du dimanche 12 avril 1863, vers 8h30, un incendie ravagea 14 maisons et leurs dépendances. Le feu, parait-il, s’était déclaré dans la maison du cabaretier Ponsin. Malheureusement, le vent soufflant assez fort, d’autres habitations, toutes couvertes de chaume, s’étaient également embrasées. En 1905, un autre incendie a ravagé plusieurs maisons du centre de la localité.

Carte postale : 1930 : Au centre, la laiterie (bâtiment blanc) et à droite, le café-salle-épicerie d’Emile Thomas

Carte postale : 1930 : Au centre, la laiterie (bâtiment blanc) et à droite, le café-salle-épicerie d’Emile Thomas


Fin du 19e siècle, le village de Ster, comme la plupart des villages de la région, possédait une laiterie coopérative. Elle était dénommée laiterie électrique « Les Ardennes ». En 1896, elle avait reçu le 1er prix du Concours Agricole de Verviers pour la qualité de ses produits. Elle a cessé ses activités peu de temps après la Seconde Guerre. En 1898, dans le bâtiment de la laiterie se trouvait également un moulin à vapeur, il faisait concurrence au moulin communal. De nos jours, les bâtiments de l’ancienne laiterie sont occupés par la Manufacture d’Orgues Thomas.

En 1902, une conduite d’eau est installée à Ster, elle alimentait plusieurs habitations ; six bornes fontaines avec bacs, implantées dans chaque quartier du village, servaient à abreuver le bétail et à faire la lessive. En 1923, la distribution d’eau est finalisée dans le tout le village. L’année suivante, c’est l’électricité qui arrive dans les habitations (voir également le chapitre sur le moulin banal). Le village de Ster (en wallon : Stêr) garda, jusqu’il y a peu, son caractère typiquement ardennais.

En 2014, il n’y avait plus que cinq fermes en activité. De nos jours, le village est devenu essentiellement résidentiel, plus de 500 personnes y habitent. Un hôtel, une manufacture d’orgues, un aviculteur, plusieurs artisans, quelques gîtes de vacances et l’inamovible café Bertrand constituent l’essentiel de l’activité économique du village (activités du zoning non comprises).

Les commerces

L’activité commerciale actuelle de Ster a été abordée ci-dessus. Au siècle dernier, parmi les commerces ayant existé, on peut citer : le café-salle-épicerie Spoo-Lies (tenu ensuite par Emile Thomas-Brixhe, actuellement géré par Gaston Bertrand) ; le café Nicolet-Wilkin ; l’épicerie Millet ; l’aviculteur Hubert Faniel ; la Caisse Rurale tenue par Jean Lallemand ; le café Godefroid-Jamar ; le café « Amon Eugénie » ; …

Carte postale : 1930 : la chapelle Saint Hubert de Ster-Francorchamps

Carte postale : 1930 : la chapelle Saint Hubert de Ster-Francorchamps


La chapelle

En 1821, deux conseillers résidant à Ster, Messieurs Nissen et Dohogne font circuler une pétition afin d’obtenir une chapelle au village ; la démarche resta minoritaire. En 1877, une nouvelle pétition, initiée par Godefroid Hubert Jamar, voit le jour et cette fois le conseil communal de Francorchamps n’y sera plus opposé. La demande de la construction d’une chapelle à Ster provient du mécontentement des Sterlains qui étaient lassés de se rendre, par tous les temps, à l’église de Francorchamps, distante de plus de deux kilomètres, pour assister aux offices. Les femmes étaient encore plus en colère car, au lieu de rentrer directement chez eux après la messe, beaucoup d’hommes s’arrêtaient dans les cafés de Francorchamps.

La construction commença en 1889 et l’année suivante la chapelle dédiée à Saint-Hubert était bénie par le doyen de Stavelot. Le premier chapelain fut l’abbé Victor Halleux, un professeur stavelotain. De nos jours, la chapellerie de Ster dépend toujours de la paroisse de Francorchamps.

Deux autres chapelles se trouvent sur le territoire du village : la chapelle Notre-Dame de Fatima, située le long de la route Francorchamps-Ster, inaugurée en 1949 et la pseudo chapelle dédiée à Saint-Christophe construite cette année dans l’enceinte d’une hostellerie locale.

1900 : Au centre, l’école du village. A gauche, une des 6 bornes fontaines de Ster

1900 : Au centre, l’école du village. A gauche, une des 6 bornes fontaines de Ster


L’école

Avant 1842, il est fait mention d’une école privée au village de Ster. En 1845, elle est adoptée par la commune de Francorchamps. En 1860, 44 élèves fréquentaient l’établissement. En avril 1863, l’école et treize autres bâtiments de la localité sont la proie des flammes. En 1867, l’école comportant un logement pour l’instituteur est reconstruite. En 1880, l’abbé Bourdon, curé de Francorchamps, ouvre une école catholique à Ster ; cette école ne fonctionnera, semble-t-il, que pendant quelques années ! En 1941, une seconde classe est ouverte, mais le bâtiment pour la recevoir décemment ne sera construit qu’en 1952. En 1963, une classe de maternelle est créée, puis supprimée en 1979 car il ne restait que 2 élèves.

En 1976, la commune de Francorchamps décide de fusionner les écoles communales de Francorchamps, Ster et Hockai. Vital Banneux, chef d’école à Francorchamps, deviendra le 1er directeur de la nouvelle entité. En 1998, l’école de Ster est agrandie, une nouvelle classe maternelle est construite.
En 2014, la population scolaire était de 21 élèves dans la classe maternelle et 29 élèves dans les classes de primaire (depuis l’année scolaire 2006-2007, les quatre premières années se donnent à Ster et le cycle supérieur à Hockai). Actuellement, l’école communale de Francorchamps-Ster-Hockai est dirigée par Nathalie Anselme.

Parmi les instituteurs et institutrices ayant enseigné à Ster, on peut citer :
… Collin, … Jamar de 1857 à 1860, Nicolas Thomas de 1860 à 1862, J. Léonard de 1862 à …. , … Milet de 1864 à 1870, Emile Goedert de 1870 à 1875, … Renard de 1875 à 1876, Alphonse Toussaint de 1876 à 1883, Eugène Dohogne de 1884 à 1912, François Cajot de 1912 à 1947, Simone Minguet-Aubinet de 1941 à …. , Andrée Lemaire de 1963 à …. , Lambert Eloy de 1947 à 1965, Jean Dohogne, Camille Rouxhet, Achille Renier, …

Carte postale : 1930 : le meunier pose à côté de la roue de l’ancien moulin banal

Carte postale : 1930 : le meunier pose à côté de la roue de l’ancien moulin banal


Le moulin banal

En 1765, Madame de Galley, propriétaire du moulin banal de Ster-Francorchamps, situé près du ruisseau « le Hockai », sollicite auprès du Prince-Abbé Alexandre Delmotte l’autorisation de vendre son moulin à la communauté de Francorchamps. Cette demande sera acceptée au tout début de l’année suivante. Le premier meunier communal s’appelait Jacques Foguenne. Ensuite, ce sera son fils Nicolas, puis son petit-fils Hubert-Joseph qui feront fonctionner l’outil communal.

En mars 1857, ce dernier demande à la commune l’autorisation de construire son propre moulin à farine à Francorchamps, sur le ruisseau « le Rohon ». Après quatre années de discussions ardues, il reçoit l’accord des autorités communales francorchamptoises, mais il ne quittera le moulin de Ster qu’en 1870.

Fin du 19e siècle, le moulin communal est loué à Alphonse Lenders et Joseph Mignolet contre un fermage annuel de 400 francs et les installations sont modernisées de façon à pérenniser l’outil. En 1902, le bail est cédé à Joseph Gustin qui était précédemment meunier à Pont de Warche à Malmedy. A cette époque, un habitant de Ster, Joseph Spoo, produisait de l’électricité au moulin grâce à deux grosses dynamos ; le courant était ensuite envoyé vers la laiterie du village et stocké dans des batteries afin d’être distribué par la suite durant quelques heures par jour dans plusieurs habitations.
Vers 1920, la commune de Francorchamps décide de vendre son moulin car il ne lui rapporte plus guère. En février 1936, Modeste Bertrand-Debougnout, en poste depuis plusieurs années, l’achète ; il sera le dernier meunier. La roue du vieux moulin banal s’arrêtera définitivement après la Seconde Guerre.

L’Aurore

« L’Aurore », c’est le nom donné à la salle du village de Ster, située route du Moulin et inaugurée en novembre 1948. La salle, c’est le centre de la vie associative sterlaine ; la chorale y organise son souper, le football club Ster-Francorchamps sa Saint-Nicolas et la troupe de théâtre wallon ses spectacles. Mais « l’Aurore », c’est avant tout le nom de la société coopérative qui gère cette salle et multiplie les activités pour l’animer. C’est au tout début du 20e siècle que la société « L’Aurore » voit le jour ; son local se trouvait au café Spoo-Lies (ensuite café Thomas, de nos jours café Bertrand). Jusqu’en 1948, c’est dans la salle de ce café que la troupe de théâtre locale exécutait de magnifiques concerts. Ster est un des rares villages où l’on n’a jamais arrêté de jouer des pièces en wallon, sauf durant la Seconde Guerre. Fin du 19e siècle, deux autres sociétés organisaient des concerts : « Le Cercle catholique » et « Les Gais Villageois ». Parmi les pièces jouées ces dernières années dans la salle villageoise, on peut citer : Madame Atomique, Lu five monte, Tiesse di hoye,

L’orgue de l’église de Spa, réalisé par la manufacture Thomas

L’orgue de l’église de Spa, réalisé par la manufacture Thomas


Le facteur d’orgue

La Manufacture d’Orgues Thomas est installée dans les bâtiments de l’ancienne laiterie. Cette société de renommée internationale a été créée en 1965 par le Sterlain André Thomas. C’est une des deux plus importantes manufactures d’orgues de Belgique. Cette société restaure et construit des orgues. En 50 ans d’existence, la manufacture Thomas a réalisé 130 instruments neufs (Spa, Liège, Monaco, Maredsous, Leffe, Strasbourg, …) et restauré 134 orgues existants (Tongres, Stavelot, Olne, Amay, Paris, …). Depuis 2000, c’est Dominique Thomas, un des fils d’André, qui gère l’entreprise.
Le hameau de Cronchamps et la ferme de Harse (Harze)

Le petit hameau de Cronchamps, situé à l’est du village de Ster, doit son nom aux courbes formées jadis dans les champs au cours des labourages. Ces courbes étaient encore visibles après la Seconde Guerre. Mais, la mécanisation du travail agricole ainsi que les remembrements ont fait disparaître ces témoins de la ruralité. Un petit oratoire, dédié à Notre-Dame, a été construit par les Sterlains, après la 2e Guerre, afin de la remercier pour la protection qu’elle assura au village durant les cinq années du conflit.

Carte postale : 1950 : L’oratoire Notre-Dame des Neiges à Cronchamps

Carte postale : 1950 : L’oratoire Notre-Dame des Neiges à Cronchamps

Carte postale : 1970 : l’Auberge Francopole anciennement Ferme de Harse

Carte postale : 1970 : l’Auberge Francopole anciennement Ferme de Harse

La ferme de Harse (lu Cinse è Hâsse), imposante construction située au sud-est du petit hameau de Cronchamps, est une ancienne dépendance des Abbayes de Stavelot-Malmedy. Depuis 1966, cette ferme, construite à partir de 1642 par des moines de Malmedy, a été transformée en auberge avec camping, dénommée « Auberge Francopole ». Elle appartient, depuis un demi-siècle, au Centre Culturel de la Communauté Ukrainienne de Belgique.

Le peintre Jean-Mathieu Nisen (1819-1885)

Né à Ster le 24 décembre 1819, fils de modestes cultivateurs, Jean-Mathieu Nisen avait été placé par ses parents comme domestique à la Ferme de Harse. Pour meubler ses longues journées, pendant lesquelles il surveillait le bétail, le garçon dessinait.

1900 : Ster : le vieux chêne A gauche, la maison natale de Jean-Mathieu Nisen au centre de Ster. A l’avant-plan, à gauche, une installation de sciage de planches. Cette besogne était effectuée à la main.

1900 : Ster : le vieux chêne A gauche, la maison natale de Jean-Mathieu Nisen au centre de Ster. A l’avant-plan, à gauche, une installation de sciage de planches. Cette besogne était effectuée à la main.


Un jour, le peintre spadois Joseph Body, en promenade près de Cronchamps, s’arrêta près du pâtre et fut étonné du talent du jeune homme. Joseph Body conseilla à ses parents de l’envoyer étudier. Grâce à l’aide de mécènes spadois, Jean-Mathieu suivit une formation à l’Académie de Liège où il obtint la plus haute distinction de l’époque. Il poursuivit ensuite sa formation à Anvers et à Rome. Il fut ensuite nommé professeur à l’Académie de Liège et installa son atelier dans la cité ardente. Il réalisa plus de 600 portraits et des tableaux à caractère religieux. On en trouve dans les églises de Ster, Spa, Stavelot, … Il décéda à Liège en 1885. Une plaque commémorative a été placée en 1914 sur sa maison natale à Ster. La rue principale du village, ainsi qu’une rue à Liège, porte son nom.

Joseph Spoo (1863-1927) : le pionnier !

Joseph Spoo, dit Spoo-Naert, de Ster-Francorchamps, courtier en grain et négociant en pèkèt, fut souvent traité de farfelu par ses contemporains sterlains. Pourtant, fin du 19e siècle début du 20e siècle, cet original avait réussi à produire de l’électricité et à la redistribuer dans le village (voir le chapitre sur le moulin banal).

Joseph Spoo fut aussi un pionnier de l’aéronautique dans notre région. En 1909, lors de « La Quinzaine de l’Aviation », se déroulant à Spa-Malchamps du 20 septembre au 5 octobre, on trouvait son nom sur l’affiche parmi les Paulhan, Sommer, Leblond et Delagrange, « pilotes vedettes » de l’époque. Joseph Spoo avait été invité à présenter son « ornithoptère ». L’appareil était formé d’un simple vélo muni de quatre ailes dont deux pliantes. Cette sorte d’oiseau-volant pouvait, d’après lui, après un élan vigoureux, se soutenir et s’avancer dans les airs.

1909 : M. Spoo manœuvre un ornithoptère qu’il avait assemblé de toutes pièces (CP)

1909 : M. Spoo manœuvre un ornithoptère qu’il avait assemblé de toutes pièces (CP)


L’année suivante, il essaya un autre appareil né de son imagination. L’engin était constitué d’une plate-forme en bois sur laquelle était attaché un moteur d’automobile qui actionnait, via un mécanisme, quatre hélices horizontales. L’appareil s’éleva de quelques centimètres, puis retomba lourdement. Après de nombreux essais, l’engin finit par s’enfoncer profondément dans le sol marécageux. En août 1912, Joseph Spoo expérimenta à nouveau, sur les fagnes de Francorchamps, un nouvel aéroplane de son invention. Alors qu’il était dans les airs à une hauteur de 100 mètres, un organe mécanique se brisa. M Spoo parvint à descendre en vol plané jusqu’à quatre ou cinq mètres du sol. A ce moment, l’aéroplane capota et se retrouva au sol, les roues en l’air. Joseph Spoo, éjecté de son appareil, se releva indemne ! Quelques années plus tard, notre inventeur connut une triste fin ; en 1927, on trouva son corps sans vie dans un fossé de Francorchamps.

Jean Lecampinaire

Sources :
Francorchamps – Hier et Aujourd’hui (Brigitte Renier – Michel Vanderschaeghe – 2014)
Francortchan Do Timps Passé (Thierry Schmitz – 1981)
Hockai (Michel Accarain – 2010)
Dictionnaire des noms de lieux en Wallonie et à Bruxelles (Jean-Jacques Jespers – 2005)
Spa, Ville d’Air (Marc Joseph – 2009)
Fonds Body (Farde Spailier – Aviation et La Gazette de Spa du 11 août 1912)


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