Dès les premières années de son exploitation, il apparaît que le tronçon Spa-Stavelot de la ligne de chemin de fer Pepinster-Spa-Gouvy est particulièrement dangereux à cause du profil ingrat de la voie de par et d’autre de la crête de Hockai. Des accidents eurent lieu en : 1867, 1868, 1872, 1873, 1874 et 1968. Le scénario était presque toujours le même ; à cause de la rampe de Hockai, des problèmes de freins surgissaient ou des chaînes d’attache se brisaient et le convoi, devenu fou, dévalait la pente en prenant de plus en plus de vitesse.

Autres lieux dangereux, les passages à niveau, ils seront souvent le théâtre d’accidents. Durant les années 50, deux accidents mortels ont eu lieu aux passages à niveau nivezétois. Le premier se déroule au passage à niveau de chez « Heuse » (PN19) et le second au passage de la « Baraque Lemoine » (PN20). Il faut dire qu’à cette époque, il n’y avait ni signal sonore, ni signal lumineux ; un simple panneau indiquait le franchissement d’un passage à niveau non gardé.

Voici le récit de ces deux accidents :

Le dimanche 29 octobre 1950, Marie Schmitz, de Spa, était venue en visite à Nivezé-Sart, chez Juliette Raskin épouse d’Henri Eloi. Juliette avait été vendeuse dans l’épicerie fine de la Spadoise. Mademoiselle Schmitz ne possédant pas de moyen de locomotion, son amie Suzanne Bérard, de la villa Wellington à Warfaaz, s’était proposée pour la véhiculer.

Voiture  «Standard » (Extrait d’une brochure publicitaire de l’époque)
Voiture «Standard » (Extrait d’une brochure publicitaire de l’époque)

A 18h45’, la voiture quitta le domicile des époux Eloi. A son bord, en plus de Mesdemoiselles Bérard et Schmitz, se trouvaient 3 personnes : Mesdames Dommartin et Djordjavze ainsi que Mademoiselle Wensinner. Deux minutes plus tard, Suzanne Bérard engagea son véhicule sur la voie ferrée, au moment même où passait le train de voyageur en provenance de Trois-Ponts.

Le machiniste ne vit rien. La locomotive percuta le flanc de la voiture et la projeta contre un poteau de signalisation. La petite auto, de fabrication anglaise, une « Standard », rebondit vers le convoi, heurta un wagon et fut projetée 20 mètres plus loin dans le fossé. Le machiniste qui avait bien évidemment remarqué la collision, coupa la vapeur et stoppa son train près de l’église de Nivezé.

Les cinq occupantes avaient été éjectées de leur siège en différentes directions. Les secours et les autorités responsables furent prévenus rapidement. Le docteur Guérisse, très vite sur les lieux, s’empressa auprès des victimes.

Malheureusement, deux d’entre elles étaient mortes : Melle Schmitz et Mme Dommartin. Olga Djordjavze qui avait un pied arraché et Melle Wensinner atteinte de contusions à la tête furent hospitalisées à Verviers. Quant à la conductrice, après les premiers soins, elle put regagner son domicile.

Le bruit de l’accident se répandit rapidement et causa à Nivezé une vive émotion. Le Parquet de Verviers fit une descente sur les lieux. Il faut dire qu’à cet endroit l’obscurité était totale et que les trains venant de Sart débouchaient d’une tranchée aux abords boisés. A cause de la nuit tombante de cette fin octobre, la conductrice ne l’aura certainement pas vu venir.

Le mardi 27 novembre 1956, Gustave Jérôme, René Wilkin et Joseph Renard coupent du bois au lieu-dit « Hatrai » à Nivezé-Sart. Fin de la journée, les remorques des deux tracteurs sont lourdement chargées de plusieurs stères de bois, fruit de cette rude journée de travail. Vers 18h30’ nos courageux bûcherons décident de regagner leur domicile.

Tracteur agricole des années 1950 (Extrait d’une brochure publicitaire de l’époque)
Tracteur agricole des années 1950 (Extrait d’une brochure publicitaire de l’époque)

Pour ce faire, ils doivent traverser la voie ferrée Spa-Stavelot au passage à niveau non gardé de la « Baraque Lemoine », sur la route de Wayai à Nivezé où hélas, il est déjà arrivé bien des accidents. Il fait très noir ce jour-là et l’endroit n’est pas du tout éclairé.

Le premier tracteur est conduit par Joseph Renard, un jeune Sartois. Le second tracteur est manœuvré par Gustave Jérôme, cultivateur, père de famille nombreuse habitant à Tiège ; il est accompagné d’un de ses voisins René Wilkin, père de deux enfants, camionneur.

L’attelage de Monsieur Renard sort de la forêt, puis s’engage sur la route et franchit la voie ferrée. Quelques minutes plus tard, un peu avant 19h, le tracteur de Monsieur Jérôme vient de s’engager sur les voies lorsque le train de Stavelot arrive en direction de Spa. Le machiniste s’aperçoit au dernier moment de la présence du convoi agricole. Il bloque ses freins, sans pouvoir éviter l’accident. Accroché par l’avant de la locomotive, le tracteur est trainé sur une assez grande distance. Le choc est terrible et le tracteur pulvérisé.

Les deux hommes sont dégagés de ces carcasses de tôles. Mais, hélas, Gustave Jérôme ne tarde pas à expirer, tandis que René Wilkin, très sérieusement blessé, est transporté  à l’hôpital où il succombe à ses blessures.

Cet accident provoque un gros émoi dans les villages environnants où les deux hommes étaient très connus. Prévenu par la gendarmerie de Spa, le Parquet de Verviers est descendu sur les lieux pour procéder aux constatations.

Avec le bruit du tracteur, il semble que les deux bûcherons n’ont pas entendu le train qui descendait à toute vapeur vers Spa.

Jean Lecampinaire

Sources :

La Vie Spadoise du 5/11/1950 et du 2/12/1956 (Fonds Body)

Le chemin de fer de la vallée de l’Amblève (GTF  –  Liège  –  1999)

Mesdames Angèle Delvoye, Josette Counet et Fanny Jérôme, Messieurs  Paul Gernay et Vincent Wuidart