Marie et Arthur Maas-Michel étaient cultivateurs à Nivezé-Sart. Leur ferme,  isolée et proche des bois, était située à la sortie de Nivezé, le long de la route menant au village de Sart-lez-Spa, au lieu-dit « Baraque Lemoine ». En août 2023, il y a eu 80 ans, qu’ils furent sollicités par Emile Michel, frère de Marie, directeur d’école à Bruxelles, afin d’accueillir chez eux un petit garçon juif appelé Ephraïm Bloch.

Ephraïm Bloch vient au monde à Bruxelles en 1933. Ses parents Nachemie et Chana Bloch ont quitté la Pologne en 1929. Leur second fils, Max, naît en 1938. Les époux Bloch travaillent énormément et sont bien intégrés dans notre capitale ; mais en 1940, dès l’invasion de la Belgique par les Allemands, ils quittent Bruxelles pour s’installer dans le sud de la France. Là, ils sont arrêtés par les gendarmes et enfermés dans un camp de détention. Les conditions de vie dans le camp sont affreuses, si bien que Nachemie parvient à soudoyer un officier qui les laisse s’échapper. La famille revient alors en Belgique. Pendant l’été 1942, de nombreuses rafles sont lancées contre les Juifs ; si bien que Nachemie est arrêté, puis déporté en octobre 1942 à Auschwitz, d’où il ne reviendra jamais !   Chana Bloch est alors seule avec ses deux fils ; très vite, elle décide de les placer dans une famille vivant dans le nord du pays. Pourtant, assez rapidement, elle craint pour la sécurité d’Ephraïm et elle décide de le reprendre momentanément chez elle à Bruxelles. En août 1943, Emile Michel, le directeur de l’école bruxelloise que fréquente Ephraïm, propose à Chana Bloch de  contacter sa sœur Marie qui habite à Nivezé afin de lui demander d’héberger le garçon chez elle. Marie accepte la requête et quelques jours plus tard, après un long périple, souvent par des petits chemins de campagne, le garçon accompagné de sa maman et de son directeur d’école arrive à la ferme de Marie et Arthur Maas-Michel. Ces derniers ont quatre enfants : Adeline, René, Joseph et Arthur.

1937 : Nivezé : La famille Maas-Michel photographiée devant leur ferme
René, Adeline, Marie (la maman), Joseph, Arthur (le papa, avec Arthur junior sur les bras)
1937 : Nivezé : La famille Maas-Michel photographiée devant leur ferme
René, Adeline, Marie (la maman), Joseph, Arthur (le papa, avec Arthur junior sur les bras)
1943 : Nivezé : Ephraïm (Freddy) Bloch avec la famille Maas-Michel
 Ephraïm Bloch, Arthur Maas, Adèle Pironet, Adeline Maas, Arthur Maas (fils), Joseph Maas, Henri Michel, Marie Michel
1943 : Nivezé : Ephraïm (Freddy) Bloch avec la famille Maas-Michel
Ephraïm Bloch, Arthur Maas, Adèle Pironet, Adeline Maas, Arthur Maas (fils), Joseph Maas, Henri Michel, Marie Michel

Dès l’arrivée d’Ephraïm à Nivezé, la famille Maas, pour des raisons de sécurité, insiste pour qu’il soit baptisé. Le 1er octobre 1943, à l’église de Nivezé, le petit Bruxellois est baptisé par l’abbé Georges Lespire, le curé de la paroisse, et  reçoit le prénom d’Alfred, mais tout le monde l’appellera Freddy.

Le benjamin de la fratrie Maas, Arthur, a le même âge que Freddy. Les deux garçons seront très complices et toujours ensemble, que ce soit à l’école communale du village, dans les champs pour accomplir les besognes de la ferme et même à l’église paroissiale lorsqu’ils fréquentent les offices. Freddy est resté auprès de la famille Maas jusqu’en automne 1944. Après la libération, il retrouve son frère Max et sa maman ; ensemble, à Bruxelles, ils essayeront de se reconstruire. Quelques années plus tard, Chana Bloch se remarie ; par la suite, la famille agrandie quittera la Belgique pour Israël.

Extrait du Registre des baptêmes de l’ancienne paroisse de Nivezé
Extrait du Registre des baptêmes de l’ancienne paroisse de Nivezé

Bien des années plus tard, après de longues recherches, Freddy parviendra à renouer le contact avec sa famille d’accueil et reviendra ensuite à Nivezé en 1998.

Durant l’automne 2011, un courrier de « Yad Vashem » (l’Institut international pour la mémoire de la Shoah), daté du 26 septembre 2011, annonce à Artur Maas, le seul de la fratrie encore vivant, que le titre de « Juste parmi les Nations » a été décerné à feus ses parents ; cette distinction, l’état d’Israël la remet à tous ceux qui ont contribué à aider à leurs risques et périls des Juifs pourchassés pendant l’occupation.

1998 : Nivezé : Freddy Bloch et Arthur Maas
1998 : Nivezé : Freddy Bloch et Arthur Maas

Au printemps de l’année suivante, le jeudi 19 avril 2012, à l’hôtel de ville de Liège, en présence d’Ephraïm Bloch (Freddy) qui a fait le déplacement depuis Israël, une cérémonie fut organisée en leur honneur. Raymond Charlier, un de leurs petits-fils, a reçu une médaille et un diplôme d’honneur à leurs noms ; noms qui seront gravés sur le Mur d’Honneur dans le Jardin des Justes parmi les Nations à Yad Vashem, Jérusalem.

En automne 2023, la Ville de Spa a eu une double bonne idée concernant un nouveau clos route du Tonnelet. Premièrement, elle a décidé de lui donner le nom d’une femme. Or, on sait qu’elles sont malheureusement trop invisibilisées à travers l’histoire. Ensuite, elle a demandé à la population de voter. Le verdict est à la hauteur des espérances puisque Marie Michel passe devant des noms comme Maurane ou Agatha Christie. Ce nouveau clos se nomme depuis lors « Clos Marie Michel »

Jean Lecampinaire

Sources :

Secrétariat de la paroisse Saint-Lambert de Sart-Jalhay

Lettre de Yad Vashem du 26 septembre 2011 adressé à M. Arthur Maas

The Righteous Among The Nations – Digital Collections – Yad Vashem

Réalités de mai 2012

www.villedespa.be