Courses et exhibition de chameaux en 1913

Chaque année, au mois de janvier, la Ville de Spa annonce via la presse les nombreux divertissements qui seront proposés aux villégiateurs durant la saison. En 1913, parmi ceux-ci, un événement original : un raid d’une vingtaine de chameaux en provenance d’Algérie faisant étape à Spa. Afin de s’occuper des engagements et de l’organisation de ce raid, le baron Pierre de Crawhez, frère du bourgmestre spadois, est parti à Alger dans la première quinzaine de janvier. En 1909, le baron Pierre de Crawhez, grand automobiliste sportif, avait parcouru le désert en automobile et avait tissé des liens avec les autorités locales dont le maire et le préfet d’Alger. Après avoir reçu l’accord du gouvernement militaire algérien, ce sont finalement dix méhara qui embarquent sur un navire le 28 juin, au port de Philippeville situé à l’est de l’Algérie, et arrivent à Marseille le 1^er juillet.

Si la traversée de la Méditerranée s’est effectuée dans de bonnes conditions, le transport des méhara en chemin de fer n’a pas été aisé. Les administrations du Paris-Lyon-Méditerranée et du Nord-Belge n’ont pu fournir des wagons assez hauts pour permettre à ces bêtes de s’y tenir debout, il a fallu les faire mettre à genoux. C’est dans cette position, qui est leur position favorite pour se reposer, qu’ils ont effectué le trajet de Marseille à Bruxelles. Les dix méhara sont arrivés à Bruxelles le 10 juillet.

Les méhara sont des dromadaires domestiques de l’Afrique Septentrionale et Moyenne, dressés spécialement pour les courses. Les méharistes, qui monteront les chameaux, sont d’anciens militaires de l’extrême-sud algérien au service des bureaux arabes. Ils appartiennent à la tribu des Chambas. Initialement prévue pour le 29 juin, puis pour le 3 juillet, ensuite pour le 15 juillet, l’arrivée à Spa de ces fameux  chameaux  de courses n’eut lieu que le 17 juillet. Comment expliquer ces reports … en voici les 2 principales raisons.

• Des tracasseries administratives rencontrées en Algérie. Voici ce que dit le journal « L’Avenir de Spa » du 13 juillet 1913 : « On ne peut se faire une idée des difficultés que les barons Joseph de Crawhez, bourgmestre de Spa et Pierre de Crawhez, le grand automobiliste du désert, ont rencontrées pour mettre leur original projet à exécution ; il leur a fallu mettre à contribution les sympathies qu’ils se sont conciliées là-bas durant leur séjour sur la mer de sable pour vaincre une consigne rigoureuse. »

• Une météo capricieuse avec plusieurs semaines de pluies et de temps froid. Le journal « Le Pouhon » du 3 juillet 1913 indique à ses lecteurs que les dates prévues initialement pour les courses de chameaux devraient être reportées, car les coursiers du désert viennent à peine de débarquer à Marseille. Pourtant, il console son lectorat en constatant que vu les conditions climatiques … on parle de retirer les vêtements d’hiver des garde-robes … ce petit contretemps vient à point.

Le 17 juillet, dès les premières heures de l’après-midi, de nombreux étrangers débarquent dans la cité thermale pour assister à l’arrivée prévue à 16 heures du raid de chameaux Bruxelles-Spa-Bruxelles. Le soleil s’est mis aussi de la partie. Les Spadois et les Bobelins se sont donnés rendez-vous principalement le long de l’avenue du Marteau.

L’arrivée eut lieu Place Royale, vers 18 heures, en face du pavillon des Petits Jeux, juste à l’entrée du Parc de Sept heures où une enceinte a été réservée pour l’arrivée de nos hôtes africains. Un opérateur cinématographique a été envoyé par le journal « La Saison de Spa ».

Pour abréger les impatiences de l’attente, notre excellente Symphonie a été installée au kiosque de la place précitée afin d’exécuter des morceaux entrainants et distraire la foule. A l’apparition du cortège africain, la musique a eu l’heureuse idée d’exécuter la Marseillaise !

Après plusieurs exhibitions dans le parc, nos visiteurs, toujours suivis d’une foule curieuse, ont été prendre leurs quartiers de nuit dans les parages de l’hôtel de l’Europe situé rue Entre-les-Ponts.

Malheureusement, le beau temps ne dura pas et les courses prévues le 18 juillet furent annulées et postposées au dimanche 20 juillet pour cause de fortes pluies.

Le 20 juillet, malgré l’absence de soleil, c’est la grande foule sur les hauteurs spadoises. Les courses prévues à l’hippodrome de la Sauvenière sont au nombre de quatre parmi lesquelles une confrontation méhara et chevaux. Malheureusement, le terrain détrempé, inadapté aux pattes des chameaux habitués à fouler le sable, ne permit pas à ceux-ci de montrer leurs capacités. Les festivités à l’hippodrome de la Sauvenière prirent fin par une fantasia, des danses et des chants arabes.

Après une petite exhibition effectuée le 21 juillet dans les jardins de l’hospice et une dernière prestation effectuée le lendemain dans le Parc de Sept Heures, les méhara quittèrent Spa et poursuivirent leur raid en direction de Bruxelles via Liège et Louvain.

Cette grande première, nos voisins français auraient bien voulu en avoir la primeur. Voici ce qu’écrivait le journal « L’Avenir de Spa » dans son édition du 13 juillet 1913 : « La Ville de Spa qui est la station sportive par excellence aura été ainsi la première ville d’Europe organisant des courses de ce genre. Elle se devait à elle-même d’offrir ce spectacle après avoir donné les premières courses de chevaux du continent. »

Jean Lecampinaire

Sources : 

Courses et exhibitions de chameaux à Spa en 1913 (H.A.S. – Marc Joseph – 2004)

Douces nuits : Les enseignes hôtelières à Spa (Editions du Musée de la Ville d’Eaux – Marc Joseph – 2005)

L’Avenir de Spa de juillet 1913 (Fonds Body)

Le Mémorial de Spa de juillet 1913 (Fonds Body)

La Saison de Spa de juillet 1913 (Fonds Body)

Le Pouhon de juillet 1913 (Fonds Body)