Quelques réflexions pour envisager l’après l’épidémie coronavirus

Distanciation et repli sur soi. Les actions pour lutter contre l’épidémie nous obligent à prendre nos distances, à éviter les contacts sociaux. L’autre est ressenti comme un danger dont il faut parfois se méfier. Cette distanciation aura-t-elle des conséquences à plus long terme sur le repli sur soi, l’isolement social ? La vie des associations va-t-elle s’en ressentir fortement ? Alors que leurs objectifs est de créer des relations sociales, de développer les relations communautaires, de mettre en place des réseaux de solidarité, de développer la participation sociale, la crise remet en question ces objectifs et les actions qui en découlent. Comment redynamiser les associations et la participation des personnes à la vie publique ?

L’épidémie a mis en avant les conséquences de la fracture numérique. Le développement des contacts par mail, facebook, skype et autres réseaux sociaux, la généralisation des commandes en ligne, des payements électroniques ont fragilisé beaucoup les personnes qui n’ont pas accès ou ne maîtrisent pas ces techniques informatiques. On pense bien entendu aux personnes plus âgées, mais aussi aux familles pauvres qui ne disposent pas du matériel adéquat (des élèves sans ordinateur à domicile). Concrètement ici à Spa, les informations ont été peu accessibles pour les personnes qui n’ont pas d’outils informatiques. Quelles actions les associations et les autorités mettront-elles en place pour former ces populations, leur proposer des outils indispensables pour être acteurs dans la société. A l’inverse, les adolescents ont pu utiliser et abuser des moyens de communications virtuels, combien utiles en cette période mais qui appauvrissent les relations interpersonnelles. Comment trouver un équilibre satisfaisant entre ces formes de relations pour un développement harmonieux des jeunes ?

De nouvelles pratiques de consommation se sont développées, comment les soutenir?

Si l’Ecommerce s’est fortement développé durant la crise épidémique, certains consommateurs se sont tournés aussi vers le commerce local, le commerce de proximité, principalement dans le domaine alimentaire. Allons-nous poursuivre cette consommation plus responsable. Comment aider au développement, à la structuration du commerce de proximité et de qualité à Spa ?

Se réapproprier son alimentation. La limitation des possibilités de s’approvisionner et le temps libéré ont fait redécouvrir le plaisir de prendre le temps de manger mieux, plus sainement, de préparer ses repas, de cuisiner, de faire son pain. A l’opposé, les difficultés financières ont poussé d’autres personnes à avoir recours aux aides alimentaires. Comment répondre à ces désirs de mieux s’alimenter et comment susciter le « faire soi-même » qui peut permettre de s’alimenter plus économiquement : des conférences, des cours de cuisine.

Redécouvrir la qualité de notre environnement naturel. Profitant de la possibilité de prendre l’air, pas mal de personnes ont redécouvert nos promenades et notre environnement naturel. A côté de l’aspect récréatif et esthétique, ce nouveau public sera-t-il intéressé par une découverte plus approfondie de son environnement naturel, par un engagement dans des actions collectives de défense de ce patrimoine naturel. Cette approche superficielle de la Nature ne pourrait-elle pas être complétée par une démarche plus approfondie, plus scientifique afin de disposer d’outils pour mieux comprendre, mieux profiter de ces richesses.

La défense du climat. L’approvisionnement en masques a montré combien notre pays et l’Europe étaient dépendants de la Chine et comment un commerce international s’est développé avec comme principal objectif de faire un maximum de profit. Ce système de délocalisation a entraîné pour partie la perte d’emplois dans notre pays et l’appauvrissement d’une partie de la population. Mais il est aussi à la base de l’épuisement de la terre et du réchauffement climatique. Cette prise de conscience se traduira-t-elle dans le soutien à des politiques

économiques nouvelles, basé sur une relocalisation des activités, par un changement dans notre surconsommation. L’épidémie a mis un frein au mouvement de lutte pour la défense du climat. Comment relancer la prise de conscience et les actions concrètes. Avant la crise, la lutte contre l’utilisation des plastiques était au centre des débats. Nous l’avons oublié !

Se réapproprier la ville. Le ralentissement, sinon l’arrêt des communications par avion et par route, a montré combien les villes étaient polluées par les gaz d’échappement, mais aussi par le bruit. A Spa, quel plaisir de pouvoir rouler en vélo, d’être moins agressé rue Royale par le bruit des camions et voitures, de pouvoir se balader promenade des Français en écoutant le chant des oiseaux alors que d’habitude on est agressé par les coups d’accélérateur des voitures de l’avenue Reine Astrid. Le piéton était roi. Quelles propositions faire pour bénéficier encore de ce confort !

Une réflexion éthique sur la valeur humaine. Certains économistes et philosophes (notamment André Comte-Sponville) ont dénoncé le confinement en mettant en avant le fait que l’on sacrifiait la jeune génération en lui imposant une crise économique au profit de la santé des personnes âgées (le nombre de décès est fort élevé chez les plus de 80 ans). L’opposition entre les générations véhiculée par cette théorie pose pas mal de questions éthiques. Quelle est l’importance donnée dans notre société à la dignité humaine ? Au nom de quoi peut-on décider qu’une catégorie sociale doit être exclue des soins et de la société ? Quelle est la place de la personne âgée dans la société et notamment des jeunes pensionnés qui participent activement à la vie sociale ? Quels rapports développer entre les générations ?

Confinement et liberté. Les mesures de confinement sont bien entendu des atteintes à notre liberté individuelle. Si elles sont consenties pour le moment dans un objectif de promouvoir la santé publique, elles peuvent cependant nous mener à certaines dérives dont il faut avoir conscience. L’usage éventuel d’une application pour smartphone permettant de tracer les contacts d’une personne contaminée par le covid-19 en est un des exemples les plus significatifs.

Voici quelques réflexions qui pourront nourrir les responsables d’associations et institution culturelle. On pourrait encore y ajouter la place donnée (et retrouvée ?) aux métiers sociaux, aux métiers de service, à la valeur que la société leur accorde.

Pol Jehin