A propos des grenadiers de Barisart

Collection du Musée de la Ville d'eaux

Collection du Musée
de la Ville d’eaux

Collection du Musée de la Vie Wallonne à Liège

Collection du Musée
de la Vie Wallonne à Liège


Jusqu’aux environs des années 50, les touristes et promeneurs qui, pour la première fois se rendaient du côté de Barisart, étaient toujours surpris d’apercevoir, en arrivant dans le petit bois qui entourait la vaste propriété du Comte Van den Burch, deux superbes et grands soldats de plomb (2m. de haut), aux uniformes de couleurs vives et montant une garde figée et immobile.
Un jour, leur propriétaire en conta la curieuse histoire, que voici résumée: « En 1827, le Gouverneur de la place de Liège, général très amoureux de panache, réclamait depuis longtemps, mais en vain, à Guilleaume d’Orange-Nassau, roi de Hollande (car à l’époque, nous étions sujets hollandais) une garde d’honneur pour sa propriété. Le fils du roi, le prince d’Orange, jeune homme que le Protocole ennuyait beaucoup, pour se distraire, adorait faire des blagues. Il eut vent de la chose, et avec quelques amis, fit fondre chez un artisan de la région, une dizaine de ces imposants soldats de plomb, que l’on peignit ensuite en uniforme de la garde impériale. Ils furent ensuite acheminés la nuit, devant l’entrée du palais du gouverneur.

Le matin, dans l’hilarité générale des badauds, la supercherie fut découverte et le gouverneur entra dans une violente colère. » La suite connut bien des remous qui seraient trop longs à raconter, mais toujours est-il que les pauvres grenadiers finirent « aux puces ». D’eux d’entre eux furent donc acquis par le comte Van den Burch, deux autres ornèrent pendant de longues années les jardins d’une villa près de la gare de Juslenville; deux autres encore échouèrent à St-Roch à Marché- Theux; un autre fut signalé en 1947 dans le parc de la Péralta à Angleur et on en retrouvera encore deux en 1945 dans la propriété de Léon Degrelle, lors de la saisie de ses biens. On n’a pas trouvé trace du dixième.

Au fil du temps, ils ont disparu de la circulation et on ne sait pas ce qu’ils sont devenus, à l’exception des deux de la propriété Van den Burch de Barisart, qui reposent depuis plusieurs décennies dans les caves du Musée de la Ville d’Eaux. Peut-être un jour, réapparaîtront-ils lors d’une exposition? Qui sait?

Une première mise au point s’impose : les « soldats de plomb » sont bien évidemment en « fonte » ; certains ouvrages consultés emploient « plomb » et la majorité des autres « fonte », mais tous les spécialistes vous diront que le plomb n’aurait pas tenu le coup pendant d’aussi longues années. Vérification a aussi été faite auprès des deux spécimens entreposés à notre Musée de la Ville d’Eaux, et c’est bien de la fonte qu’il s’agit.

Quant à nos dix lascars, il semble bien qu’ils aient eu une vie mouvementée et aient séjourné successivement en divers endroits de notre région. Et de toute évidence, on en a exécuté des reproductions. Jugez-en !

M.L. Pironet de Waterloo me communique en avoir vu deux exemplaires au Musée du Fer et du Charbon de Liège, il y a quelques années, mais à cette époque, on n’en connaissait pas la provenance. Ce musée est devenu depuis cinq ans « la Maison de la Métallurgie » et a subi plusieurs aménagements, mais il possède toujours les deux pensionnaires. M. Pironet signale également que tous ces soldats ont probablement été coulés dans des moules préparés à découvert dans le sable du plancher de coulée, d’une de nos fonderies wallonnes (nombreuses à cette époque) (1).

Un long article de M.Georges Barzin, paru en 1953 (2) est même plus précis et dit que d’après la société d’Archéologie de Verviers, tous les soldats ont été fabriqués dans les forges de Theux (3), ville qui possédait encore deux autres grenadiers que l’on trouvait rue de la Chaussée, dans la propriété de M. de Limbourg; ce qui m’a été confirmé par un habitant de la localité, M. Jean Remy, qui se rappelle très bien les avoir encore vus dans les années 1980, de faction devant le joli pavillon du jardin, démoli peu après (4).

On en renseigne encore deux autres, qui ont été longtemps en poste à l’entrée du Château de Pétaheid à Lambermont; l’un des soldats était même abrité dans une guérite. Tout a été démoli il y a plus ou moins 25 ans.

Notre très beau Musée de la Vie Wallonne à Liège, lui, en abrite encore aujourd’hui deux exemplaires en ses murs, remis à neuf et hauts en couleurs.

Après avoir de 1818 à 1881 monté la garde devant le commerce de M. Galand négociant en armes et quincaillerie, rue des Carmes à Liège (maison démolie, puis Halles Centrales, puis building à ce jour), ils furent transférés dans le jardin de M. Van Beneden, arrière-grand-père de Mme Deprez de Nivezé et ensuite à Jupille chez le grand-père de cette dame, jusque dans les années 1950, époque à laquelle ils furent offerts à la Ville de Liège, par la famille Van Beneden. Ils passèrent quelques années au Musée Curtius, puis furent installés définitivement là où ils sont maintenant.

De passage à Liège il y a quelques jours, Mme Deprez ayant appris que deux des collègues de ses compagnons de jeux d’enfance se trouvaient à la Maison de la Métallurgie, décida d’y faire un saut. Quelle ne fut pas sa surprise de se trouver en présence, non pas de deux soldats comme prévu, mais bien de sept! – Deux à la porte d’entrée, avec la légende suivante « Reproductions des 2 grenadiers de la propriété de Limbourg à Theux, appelés  » Kaiserliks  » ! (6). Les cinq autres, disséminés dans le jardin, sont rouillés et dans un bien piteux état.

Il faut encore signaler que M.Barzin, dans son article précité, donne deux variantes à l’histoire, dont l’une dit que ces personnages pourraient peut-être bien être des gendarmes !

En tout cas, si finalement plusieurs points restent obscurs, il est certain que les deux grenadiers de Barisart, eux, sont un peu les égarés de cette histoire, car toutes les pérégrinations des autres se sont passées ailleurs qu’à Spa.

Si des éléments nouveaux apparaissent, une suite serait donnée au présent texte, que j’ai pu réaliser en grande partie, grâce aux personnes qui m’ont fait parvenir informations et documentation. Un grand merci à toutes indistinctement.

Cela fait plaisir de constater que chez nous (comme l’a dit je ne sais plus qui) le passé a encore de l’avenir !

M.Caro-Harion

Références:

(1) « la grosse forge wallonne du XVe au XVIlle » – p.49 – 1984 par M. R. Leboutte au Musée de la Vie Wallonne
(2) Extrait du journal du Touring Club – 1953 p.64 & 65 – « Quels sont ces soldats de fonte ? » – par G. Barzin
(3) Plusieurs ouvrages traitent des Forges de Theux et sa région – voir e.a. celui de M. P. Den Dooven
(4) M. Pironet qui m’avait également donné l’information renvoie à : « Le Patrimoine Monumental de la Belgique » – 1985 p. 1538 & 1539 E. Mardaga
(6) « Kaiserliks » = soldats de l’empereur d’Autriche.


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