Arbre remarquable en ville : l’If

Un if du Parc de Sept Heures.

Un if du Parc de Sept Heures.

Autrefois, l’if (Taxus baccata L.) étendait sa couronne vert sombre en moyenne montagne et dans les forêts, principalement sur les sols calcarifères caillouteux et parmi les escarpements rocheux. Il a disparu de bon nombre de ses milieux d’origine du fait de la dégradation forestière et de ses utilisations anciennes.
Même s’il est, avec le genévrier commun (Juniperus communis L.) et le pin sylvestre (pinus sylvestris L.), un des rares conifères indigènes dans notre pays, il n’existe plus, à l’état spontané, que dans quelques sites des régions de Huy, de Chimay et de Beaumont. Pour le reste, il fut le plus souvent introduit dans les jardins, les parcs et, parfois, naturalisé.
L’if-chapelle des Trois-Pierres en Normandie

L’if-chapelle des Trois-Pierres en Normandie

Depuis les temps les plus reculés, ce « conifère sans cônes » est auréolé de mystère, objet de superstitions et symbole de deuil dans la mythologie antique. Selon Ovide, il était censé border la voie menant aux Enfers et Pline l’Ancien, naturaliste et écrivain latin (23 – 79), auteur d’une «Histoire naturelle», vaste compilation scientifique en 37 volumes, nous raconte que les émanations de l’if tuent ceux qui dorment à son ombre; chez les Celtes, son poison était un moyen de crime et de combat; les flèches et les fers de lance étaient faits de bois d’if trempé dans son suc…

Toutes les parties de l’if, sauf l’arille, enveloppe charnue de la graine, rouge et de saveur douce, contiennent de la taxine, un alcaloïde cardioactif plus virulent encore que la digitaline. La taxine provoque une gastro-entérite accompagnée de violentes coliques et de diarrhées, ainsi que de lésions rénales. Si les oiseaux sont friands de l’arille et la consomment sans danger, favorisant ainsi la dispersion des graines, certains animaux sont particulièrement sensibles à la taxine, le cheval et le chien notamment, alors que les ruminants, par contre, y sont moins réceptifs. La dose létale reconnue pour l’homme serait de 50 à 100g !
Aux Etats-Unis, début des années 1970, le taxol, un extrait d’if en provenance de la côte pacifique et proche de notre if européen, fut isolé. Après bien des recherches, une équipe de chercheurs français isola à son tour une molécule plus active encore que le taxol. Ce nouveau composé, le Taxotère, est encore commercialisé actuellement et a permis de mettre au point un médicament indiqué dans le traitement du cancer du sein, le taxol traitant plutôt les cancers de l’ovaire.

L’if commun – Taxus baccata L. – se nomme aussi selon les régions, if à baies ou encore ifreteau. En wallon, il porte le nom de «fètchîre d’Espagne» (ou Fougère d’Espagne ! A Bévercé, Malmedy,…). Taxus proviendrait de l’Indo-européen « tecs », ou travail habile, allusion à la facilité de sculpture de son bois et baccatus « qui porte des baies », même si ce sont plutôt des arilles…

Dans le parc de Sept Heures à Spa se dressent quelques beaux ifs. Un seul d’entre eux, cependant, porte des milliers de ces rutilantes arilles. En effet, l’if est dioïque, fleurs mâles et femelles, unisexuées, se développant sur des individus distincts.
Les discrètes inflorescences mâles, formées à l’automne précédent, sont jaune pâle, rondes ; elles se situent à l’aisselle des aiguilles, sur la face inférieure des pousses. Les inflorescences femelles sont petites, vertes.
Les graines brun olivâtre, ovales, sont contenues dans la seule partie non toxique de l’arbre, cette enveloppe charnue et visqueuse, d’un beau rouge rubis, l’arille.

Le tronc de l’if a l’écorce fine, souvent écailleuse, d’un brun-roux tirant sur le verdâtre. Parfois unique, il peut souvent se ramifier au départ d’un même pied, prenant alors un aspect de candélabre. Les branches portent des aiguilles persistantes, molles, vert très foncé dessus et vert clair dessous.
L’if peut mesurer jusqu’à 15 mètres mais reste de croissance lente. Il peut vivre, semble-t-il, plus de 1000 ans ! Ainsi, il y avait encore naguère en Normandie, un if millénaire plein de vigueur dont le tronc contenait une chapelle installée il y a plus de cent ans et dédiée à Notre-Dame des Malades ! Son tronc mesurait près de 10 mètres de circonférence !

Divers cultivars de l’if sont plantés dans les parcs et jardins d’agrément, notamment le cultivar fastigiata à branches dressées et à feuilles disposées en spirale, ou encore Taxus baccata semperaurea à aiguilles dorées au bout… L’if supporte le calcaire, il grandit bien à l’ombre même s’il préfère le soleil, il tolère les sols caillouteux et il apprécie une humidité atmosphérique élevée. La multiplication naturelle se fait par le transport des graines dans la fiente des oiseaux. Sa germination est facile. On peut aussi le multiplier par bouturage en automne.

L’homme a exploité longtemps l’if pour son beau bois dense, dur et durable, aux propriétés mécaniques excellentes. On en a fait des outils, et autres instruments, des meubles précieux, des sculptures, on l’a même utilisé en construction. Jusqu’au Moyen-Age il a servi à confectionner des arcs et des lances.
Un séjour dans l’eau rend le bois pourpre et il prend bien la teinte noire, ce qui le fait ressembler à l’ébène. Enfin, fait exceptionnel chez les conifères, l’if rejette bien de souche après avoir été coupé et il supporte parfaitement la taille !

Ainsi, l’if peut être un des éléments de l’aménagement de votre jardin d’agrément tout en évitant de l’intégrer dans des haies où les animaux comme le cheval peuvent brouter. Il ne sera pas inutile non plus d’éduquer les petits enfants afin qu’ils ne mettent pas en bouche des fruits aussi tentants que les graines dans leurs arilles !

Michel Carmanne

En wallon
Aulne : Onê – Bouleau : Byole – Hêtre : Faw – Houx : Hu – Peuplier : plope – Noisetier : neuhî – Sorbier : Havurna – Sureau : sawou -Tilleul : Tiyou – Saule : Sâ – Aubépine : Blanke spène – Chêne : Tchêne.


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