Affiche « Courses de taureaux » en 1888 (Collection Musées de la Ville d’eaux)
Affiche « Courses de taureaux » en 1888 (Collection Musées de la Ville d’eaux)

Fin du 19e siècle, l’Administration du Casino, dirigée par son concessionnaire M. Dhainaut, essaye d’offrir chaque année aux « Bobelins » un spectacle nouveau. En 1888, le choix se porte  sur des courses de taureaux, une première en Belgique. Ces courses seront organisées par M. Visser, le dimanche 26 août, le jeudi 30 août et le dimanche 2 septembre, sur le plateau de la Géronstère.

C’est la première fois que les plus célèbres toréadors du midi acceptent de venir dans notre pays pour trois journées de courses de taureaux et leur contrat stipule qu’ils ne peuvent donner aucune représentation en Belgique ailleurs qu’à Spa.

Cent mille affiches placardées dans toutes les villes du pays et de l’Etranger ont fait à ces courses de taureaux une publicité considérable.

Les taureaux destinés aux courses sont arrivés le lundi 20 août à la gare de Spa. Ils sont venus en train des environs de Marseille, le voyage a duré huit jours. Le troupeau a été conduit à Nivezé, à la ferme modèle de l’industriel lainier verviétois M. Simonis, dénommée aussi le Nivezé Farm (voir l’article intitulé : Les Châteaux Peltzer de Nivezé), située non loin de la fontaine du Tonnelet. Un enclos particulier leur a été aménagé et de fortes clôtures ont été élevées pour protéger les habitations voisines contre les escapades de ces quadrupèdes peu conciliants.

Le troupeau se compose de 20 bêtes de taille moyenne et est constitué de deux races : les bruns sont espagnols et les noirs sont français. Ces derniers proviennent de Camargue.

C’est dans des charrettes spécialement aménagées pour la circonstance qu’ils seront transportés de la gare à la ferme et de la ferme aux arènes.

Un cirque pouvant contenir plus de 6.000 personnes a été élevé dans un champ situé sur le plateau de la Géronstère. Les travaux de cette importante construction ont été dirigés par l’architecte M. William Hansen (1848-1936).

Voici comment le journal « Mémorial de Spa » du dimanche 26 août 1888 décrit le trajet  pour rejoindre le fameux cirque: « Ces arènes sont à une distance d’environ 800 mètres du Pouhon : il suffit pour s’y rendre de prendre la rue d’Amontville, on traverse la voie ferrée, on passe devant l’ancien Waux-Hall, et on trouve bientôt les tribunes à gauche de la belle route boisée qui conduit à la Géronstère ».

Tour à tour, les spectateurs verront durant ces trois jours de courses : les sauts exécutés avec ou sans perche landaise, le jeu du manteau, la poursuite du taureau, le repas du taureau, le simulacre de l’attaque, la pose des banderilles, la pose de cocardes et l’enlèvement d’un béret placé sur les cornes de l’animal. Le promoteur des courses précisa toutefois que les courses de taureaux organisées à Spa, comme celles organisées en Provence, ne se termineront pas comme en Espagne par la mort de l’animal.

Etienne Boudin dit le Pouly de Beaucaire (1853-1907
Etienne Boudin dit le Pouly de Beaucaire (1853-1907

Citons parmi les toréadors présents : le 1er toréador français, M. Etienne Boudin dit le Pouly de Beaucaire et son rival M. Adrien Soulié dit le Pouly d’Aigues-Mortes. Les quadrilles des deux Pouly comportent quinze hommes : attaqueurs, razetiers, sauteurs, mantellistes, banderilleurs, attaqueurs, écarteurs. Six taureaux se succèderont, chaque jour, dans les arènes spadoises

Durant les deux premières journées de courses, de nombreux trains spéciaux, en provenance de Liège et de Verviers, affrétés par la Compagnie des chemins de fer de l’Etat, ont amené à Spa plus de 12.000 personnes. Rarement foule aussi compacte n’avait été réunie pour une fête spadoise. Deux heures avant le début des courses, la route menant aux arènes était sillonnée par des milliers de piétons cheminant au milieu des équipages et des voitures de louage. A l’ouverture du spectacle, le cirque était plein, on refusait des places. Les hôtels, les restaurants et les cafés regorgeaient de monde ; au parc public, on a délivré à la fête de nuit plus de 4.000 entrées.

Lors de la troisième journée de course, ce qui a surtout excité l’intérêt du public, c’est l’entrée dans l’arène de deux taureaux du pays appartenant à M. H. Blaise.

L’Autorité communale, avec à sa tête le Bourgmestre M. le Dr. Jules Lezaack, avait anticipé le succès de l’évènement et organisé un plan de circulation pour les équipages et voitures de louage aussi bien pour se rendre aux arènes que pour revenir en ville après le spectacle.

A la fin de ces trois jours de courses, avant de quitter les arènes, le Bourgmestre spadois félicita publiquement les toréadors pour l’adresse et le courage dont ils avaient fait preuve dans les différents exercices. Il les remercia au nom de la cité thermale, leur remis des médailles et exprima également l’espoir de les revoir l’année suivante !

Les taureaux n’ont pas tous regagné leur pays, quelques-uns furent vendus à un boucher de la ville. Les ménagères assuraient que la viande n’avait pas … une bonne odeur !

Fin janvier 1905, l’Administration communale de Spa reçut un courrier en provenance de la « Société Contre la Cruauté envers les Animaux », une association verviétoise. Ce courrier s’insurgeait contre la tentative d’un retour à l’organisation de courses de taureaux à Spa. Cette société rappelle qu’en 1889, elle avait obtenu du Ministre de la Justice M. Victor Begerem la fin de ces écœurants spectacles, qualifiés de courses landaises. Néanmoins, en 1891, des courses de taureaux ont été organisées dans des arènes établies avenue du Marteau, près de la tannerie Misson (de nos jours n°214-216 de l’avenue Reine Astrid).

Jean Lecampinaire

Sources : Mémorial de Spa du 26 août 1888 et du 2 septembre 1888 (Fonds Body)  –  L’Avenir de Spa du 2 septembre 1888 et du 9 septembre 1888 (Fonds Body)  –  L’Union Libérale du 21 août 1888 (Fonds Body)  –  Registre de correspondance de l’Administration communale de Spa : années 1888 et 1905 (Fonds Body)  –  Spa s’affiche (H.A.S. – 2004)  –  Cent-cinquante Ans d’Histoire de Spa (Editions J’Ose – Georges Spailier – 1979)  –  Ce qu’on a vu à Spa (Editions J’Ose – Emile Spailier – 1943)