M. Dubois, de son prénom Victor, habitait avant son mariage la petite maison près du temple anglican boulevard des Anglais avec ses parents, sa sœur Ghislaine (décédée) et son frère Maurice (décédé) qui était croupier au casino de Spa et qui ne s’est pas marié. M. Victor Dubois a épousé la sœur de mon père Fany Handrick de Stoumont. Il l’avait rencontrée à Stoumont en allant effectuer des travaux sur les toits des maisons sinistrées par la guerre. Ma tante et mon oncle ont eu un fils mort-né, puis est née le 31-05-1948 une fille Annette qui est décédée le 21-03-1982. Les deux enfants auprès de mon oncle tenant le coq de l’église me sont totalement inconnus. J’ai toujours vu mon oncle avec une cigarette aux lèvres qui n’était jamais allumée, c’était son habitude. Les enfants sur la photo ne sont absolument pas les enfants de Victor Dubois. M. Victor Dubois est un Spadois de pure souche ainsi que moi-même.
Solange Hendrick-Erler
Sur ce même sujet, nous avons retrouvé un texte de Jean-Pierre Montulet. Il s’agit d’une présentation romancée de M. Victor Dubois. (publié en 2006)
Figures spadoises 40 – Totor ou l’Ardoisier acrobate. Jean-Pierre Montulet
Accoudé au comptoir de chez le Robert Devos, Totor un homme fort, sans être corpulent, avec force gestes, entame le récit d’une histoire, qu’il jure véridique, à son voisin et ami, mon père. Il plisse ses petits yeux, se gratte le crâne sous un vieux chapeau mou, qui en aurait plus à dire que lui. De ses gros doigts, il se roule une cigarette, tranquillement, il l’allume. Et comme pour retrouver la mémoire, il aspire un bon coup, qu’il renvoie en fumée. Comme il ouvre la bouche, la porte branlante du vieux bistrot donne de la sonnette. Deux hommes entrent. L’un petit, au chapeau qui semble être le frère jumeau de celui du Totor, salue l’assemblée, tandis que l’autre, plus élégant se dirige vers la table du fond. « Leur » table. Le Totor lance : « Robert, remets un verre ! » « Et quoi de neuf ? », font en chœur les trois compères, tu nous la déballes ton histoire. -« Doucement ! Me voilà ! Nom de D… ! » Il tousse un coup, pour s’éclaircir une voix qui, quoi qu’il y fasse restera rauque.
« Vers les hauteurs des Fagnes, sur la route d’Elsenborn, j’étais en train de me préparer à escalader le « clocher pour y procéder, comme je l’avais fait à l’église de Spa, au remplacement de la croix du clocher. Un « travail de routine, tu sais bien, hein Directeur ! » Et il s’enfile une gorgée de son demi pour s’éclaircir la voix, qu’il a, à force de fumer; quelque peu éraillée. En allongeant le bras vers un horizon lointain, imaginaire, il poursuit : -«Vers les hauteurs d’Elsenborn, à l’extrême horizon, au-dessus des sapins, montait par-dessus un « soleil encore pâle; dont les rayons éveillaient des rumeurs dans la fagne environnante. J’étais au haut du clocher d’un village fagnard, Ovifat, dont les habitations, fermes ou autres, vues de la croix, que je devais remplacer, « paraissaient semées dans la campagne et la fagne environnantes, par une main de géant. »
Il faut souligner que cette église fagnarde était, et est toujours, la seule haute construction des environs. Depuis bien longtemps, pour cette fois, dans une aube pleine de joie, la lumière joyeuse ruisselait sur la grande Fagne. « Eh oui ! Vu de là-haut, le spectacle était féerique. » Il reprend une lampée; allume une cigarette, et poursuit son récit. Les habitués suspendent leurs regards à ses lèvres. -« Quand j’avais démonté la vieille croix, une « sœur » m’avait dit : « Monsieur Victor, quand vous reviendrez, – j’ai eu si peur pour vous dans cette « équipée, – qu’alors je serai là pour implorer l’aide de Notre Seigneur. » Et c’est vrai que de mon perchoir, « combien je ressentais cette dévotion, murmurée par cette femme, humblement agenouillée à même la terre, « saisissante. » Pourtant, tentés par un rire vite ravalé, les autres restaient bouche bée, les oreilles tendues. Qu’un intrus rentre dans le café, un peu trop bruyamment pour les auditeurs du Victor, il se faisait rabrouer d’un « Silence ! Tu vois pas qu’on écoute un récit « extraordinaire » ?
« -Bon ! Où j’en étais moi ? Ah oui ! -En retour, j’en pris conscience après, que dès que j’exécutais « mon ascension vers le sommet, mon sac d’outils au dos et la croix, attachée à une forte corde, que je tirais avec « moi, que la religieuse brisait le silence en psalmodiant sa prière, qui montait vers moi, qui, mieux, « m’accompagnait. Sa voix se mélangeait, ses mots s’enchevêtraient, qui se heurtaient dans un tremblement, à « peine perceptible, de lèvres presque fermées. –« Sa « concentration, au fil de ces longues heures dans le vent, « « qui courait sans obstacles, sa ferveur je la remarquais, alors que son visage gardait une sorte de gravité « préoccupée. »
Pour détendre un rien l’atmosphère, l’Ernest Gernay jette : « T’es sûr que c’était une « béguine », pas « une femme du village attirée par ton physique de lutteur de foire, suspendue à ton sourire enjôleur ? » L’ardoisier, blessé dans son amour propre de la vérité, comme il disait, par cette remarque jugée indécente, il éructa : « Si çà n’t’intéresse pas, t’as qu’à aller voir ailleurs ». Robert remets-nous çà.
Ses auditeurs s’apercevaient que le mystère, qui se dégageait de la scène décrite, était à la fois intrigant et de nature calmante. Il le voyait, cet homme qui semblait ignorer le vertige, là-haut, sur un clocher. Bon ; il venait de terminer sa tâche : fixer pour longtemps la croix, sa silhouette, perdue dans les brumes naissantes que la pointe du clocher griffaient, apparaissait solide et vaillante.
La descente jusqu’au pied du clocher se fit par le « circuit » des échelles qu’il avait installé pour la montée. Au fur et à mesure de sa progression, il les récupérait sur l’épaule. L’exercice ne lui prit que quelques minutes. Le bonhomme retrouva le plancher des vaches au pied de sa grande échelle coulissante, adossée à la tour. En cet instant, annoncé par les rumeurs de village, en accord parfait avec son rire gras, en soliste, les murmures accompagnateurs des cordes vocales des premiers arrivés sur les lieux. Soudain, dans un silence, que même le vent fagnard respecta, des cordes vocales usées par les années de prière de la religieuse, une note grêle monta, lentement, dans la joie. Suivie d’autres, qui firent chorus, pour s’éparpiller en gouttelettes que l’air froid de la lande figeait. « Alors, un peu gêné, j’ai relevé la nonne : « Allons ma sœur, cessez de trembler, je suis là. Les pieds « sur terre ». Grâce à vous, j’ai réussi, porté par une musique, votre musique, si légère, des regards doux d’yeux « chastes, qui ne voyaient qu’un pantin dans le ciel venteux. »
Ému à l’évocation de ces instants trop rares dans une vie, Totor essuie d’un revers de manche de sa veste de velours côtelé une larme insolente. « Après avoir rassemblé mon outillage, d’une bourrade je l’ai poussée vers la ferme boutique multiple du village. Là, je lui ai offert une « jatte » de noir café, bien chaud, – pour vous remettre ! – que je lui ai dit, et une goutte de pèkèt pour moi. En fait pour arrêter un début de tremblement d’émotion, que je tentais, vainement, d’arrêter. »
La suite, on la devine très bien. Notre ardoisier acrobate, « amérindien » du pays fagnard, puisque, comme ces Indiens des États Unis d’Amérique, le mot « vertige » n’appartenait pas à son vocabulaire, reprit la route, vers un autre clocher, la besace qui lui battait le flanc. Quelque part, peut-être à Spa, où l’attendait un autre « exploit ». Sorti de son récit, l’ardoisier Victor Dubois debout lança un « Robert ! Remets-nous une tournée », accompagné d’un grand geste d’invite. Alors, un silence s’est fait.
Jean-Pierre Montulet