Un défenseur de la nature et des paysages
Si Léon Dommartin, né à Spa le 11 septembre 1839, a pris pour « nom de plume » Jean Dardenne, c’est que, plus que toute autre région, et il en a parcouru bon nombre : la Flandre, le nord de la France, l’Algérie, la Tunisie, il aimait par-dessus tout l’Ardenne qu’il a contribué à faire connaître dans un guide célèbre (lère éd. en 1881).
Voici ce qu’il écrivait en 1887 à propos de son pays natal dans une édition refondue de son guide du tourisme en Ardenne: » J’ai appris de bonne heure à le connaître et à l’aimer. D’ailleurs, c’est le mien et nulle impression ne remplace celle du pays natal: le premier, il vous a pris le cœur; des amours nouvelles ont beau venir, cet amour-ci garde une fraîcheur, une profondeur, une vérité qui ne se retrouvent. »
Cette Ardenne qu’il aimait tant, il l’a parcourue en tous sens, en a décrit les villes et les villages, les paysages, les sites remarquables dans une langue châtiée et riche dont le style alerte, plein de détails pittoresques lui a valu l’éloge de ses contemporains dont Louis Veuillot, Félicien Rops, Georges Garnir et Albert Bonjean. Lisez cette page digne d’une anthologie consacrée aux divers aspects que prend suivant les saisons cette Ardenne tant aimée:
« Au printemps – quand le printemps se décide à sourire – à l’heure où les pousses nouvelles commencent à égayer la tristesse des bois; en été, aux jours du soleil qui hâle, des blés hauts, des bois touffus, des feuillages sombres; en automne – surtout en automne ! saison qui donne à notre pays sa splendeur entière, où la terre prend un charme singulier, indéfinissable, presque enivrant; – il fait bon marcher à travers les paysages variés de la vieille Ardenne. Cette simple nature est parfois un peu rude, mais elle ne ment pas, tient ce qu’elle promet, vous remplit le cœur de choses saines et fortes. La mélancolie des saisons inclémentes et des journées grises lui laisse encore de quoi nous plaire; elle a des sévérités admirables sous les cieux mornes, comme elle a des grâces riantes au soleil. »
Ainsi que l’écrivait Joseph Meunier en 1935 dans un article intitulé Jean Dardenne, Défenseur des Paysages (La Vie Wallonne n°6 CLXXIV, 15 février 1935) « Membre de la Commission des Monuments et des Sites, Jean Dardenne combattit toute sa vie pour la défense de la nature, contre le vandalisme moderne et utilitaire; ses campagnes virulentes pour la protection de nos beaux arbres et de nos forêts caractérisent à suffisance cet esprit généreux et artiste, auquel le pays doit la conservation de nombreux paysages voués à la destruction.
Comme le rappelle Joseph Meunier, si Jean Dardenne décéda en août 1919 à Ixelles, c’est grâce à lui que bien des réalisations qu’ il n’eut pas le temps de voir de son vivant virent le jour dans la quinzaine d’années qui suivirent sa mort, à commencer par la fondation de vaillants cercles de défense de la nature: l’association pour la défense de l’Ourthe, Les Amis de l’Ardenne etc. …
Léon Dommartin n’a pas seulement publié son Guide de l’Ardenne et Notes d’un vagabond (1887), il a aussi fondé à Spa en 1864 un journal satirique le Bilboquet. En 1866, il partit pour Paris et y fonda avec Valliers de l’Isle-Adam une publication hebdomadaire La Reine des Lettres et des Arts qui n’eut qu’un an d’existence. En 1868, il passa au Gaulois, ce qui lui donna l’occasion de faire un reportage sur la guerre de 1870, car il accompagna l’armée de Mac Mahon jusqu’à la débâcle de Sedan.
De 1871 à 1874, il fit la critique littéraire de Paris-Journal. Rentré au pays, il entra à la rédaction du journal la Chronique de Bruxelles, dont il devint rédacteur en chef en 1896.
Pour honorer la mémoire de cet homme remarquable, la ville de Spa a fait apposer sur les rochers du Parc de sept Heures un médaillon en bronze représentant ses traits et a donné à une de ses promenades, au nord de Creppe, le nom de « Feuillée Jean Dardenne ».
Léon Marquet.