Un événement insolite sur la cheminée de l’établissement des Bains !
L’annonce de la probable démolition de la cheminée de l’ancien Etablissement des Bains, rappelée à plusieurs reprises dans Réalités, me donne l’occasion d’évoquer un fait divers vieux de 60 ans dont elle fut le théâtre …
Jean Toussaint
« Exploit inutile », c’est par ce titre réprobateur qu’en juin 1960 LA VIE SPADOISE, le journal local malheureusement disparu, qualifiait « la dangereuse plaisanterie qui avait consisté pour un ou des inconnus à s’emparer du drapeau jaune et blanc », en fait, le drapeau pontifical, « qui flottait à un mât, place du Monument, pour aller le planter en haut de l’immense cheminée de l’Etablissement des Bains. Dangereuse plaisanterie qui aurait pu être la cause d’un bien grave accident pour cet humoriste inconscient. Un inspecteur de police, chargé de l’enquête l’a emporté à toute fin utile. »
Près de 60 ans plus tard, jugeant qu’il y a prescription, et vu aussi leur grand âge !!, les auteurs de « l’exploit », car nous étions deux, mon ami Guy Deprez et moi-même, pouvons enfin assumer, et révéler une identité qui était devenue un secret de polichinelle.
Nous avions alors moins de 30 ans et nous nous mettions à l’occasion des challenges, sportifs ou autres, ainsi avions-nous décidé de célébrer le jubilé du doyen Struman à notre façon, en allant planter le drapeau du Saint-Siège , qui flottait parmi ceux d’autres nations, place du Monument, sur le sommet de la cheminée des Bains.
Restait à réaliser l’expédition !
Après avoir été couper dans une haie une longue tige de noisetier, nous sommes allés décrocher au milieu de la nuit le drapeau, que nous avons attaché à celle-ci, planquant l’ensemble derrière la balustrade en pierre de la Cour d’honneur, comme on l’appelait encore alors, séparant les Bains du Casino.
Pour avoir un alibi nous permettant éventuellement de dire que nous étions ailleurs, nous sommes allés nous montrer dans un bar de l’avenue Reine Astrid, aujourd’hui remplacé par un building. Plus ou moins vers 2 heures du matin, nous avons quitté les lieux…sobres ! et étions à pied d’œuvre. Rejoindre la base de la cheminée posait quelques problèmes d’escalade, mais nous y sommes arrivés assez facilement.
L’ascension proprement dite, l’un derrière l’autre, mon copain en tête, nous passant le drapeau, se fit sans peine. Les derniers échelons, en tout cas pour moi, furent néanmoins impressionnants, surtout, arrivés au sommet, à plus de 20 mètres, la vision de l’intérieur de la cheminée, un trou noir d’un diamètre imposant !La fixation du drapeau sur son mât, avec des cordes ne posa pas problème, la redescente en marche arrière non plus, bien que nous dûmes nous arrêter à mi-parcours, un couple d’amoureux s’étant installés sur un des bancs alors placés le long de l’Etablissement des Bains. Notre voyeurisme involontaire ne dura heureusement pas trop longtemps et nous pûmes terminer sans incident notre expédition.
Le lendemain, le dimanche me semble-t-il, et non le lundi comme écrit dans La Vie Spadoise, les pompiers procédèrent à l’enlèvement du drapeau, aidés par l’échelle antédiluvienne aux roues cerclées de fer, qui leur servirait encore pendant plus de 10 ans.
Observant la scène du coin de la rue Léopold en compagnie de nombreux badauds, j’eus une légère appréhension, me souvenant qu’un échelon était en partie descellé. Heureusement, le pompier, en professionnel, vérifiait chaque anneau, et tout se passa bien.
Pendant quelques jours, l’épisode fut l’objet des conversations, certains frappant d’opprobre cette plaisanterie, dont un ami, anticlérical notoire, reprochant à l’auteur, anonyme pour lui, la profanation d’un symbole religieux, ce qui n’était vraiment pas notre idée. Nous avions simplement, par ce gag, voulu rendre un hommage marrant au doyen de Spa, dont on fêtait le jubilé.
Petite remarque pour terminer, l’auteur du texte de La Vie Spadoise n’était autre que Georges Spailier, mon supérieur à la Bibliothèque communale, qui ignorait évidemment « qui avait fait le coup ». Nous ne savions pas alors non plus que je lui succéderais quelques années plus tard, à la tête de la dite Bibliothèque.
Jean Toussaint