La Gleize

Le village « Gleize », extrait de la carte Ferraris de 1777 (I.G.N. – www.ign.be)

Le village « Gleize », extrait de la carte Ferraris de 1777 (I.G.N. – www.ign.be)

Le charmant village de La Gleize (altitude 320 mètres au niveau de l’église) se situe sur une colline qui surplombe la rivière « L’Amblève », au carrefour routier formé par la route nationale Trois-Ponts-Remouchamps et la route provinciale Spa-Rahier. Le nom du village, en latin « in Glesia », signifie « église ». Au Moyen Age, La Gleize faisait partie de la principauté abbatiale de Stavelot-Malmedy et plus spécifiquement du ban de Roanne.

A la fin de l’Ancien Régime, le ban de Roanne est remplacé par deux communes : la commune de Roanne (le village de Roanne était le chef-lieu de l’ancien « haut-ban ») et la commune de La Gleize (le village de La Gleize était le chef-lieu de l’ancien « bas-ban »). La commune de La Gleize comprend les hameaux suivants : La Gleize (lu Gléhe), La Venne (Lu Vène), La Vaulx Renard (L’Vâ-R’nâ), Cheneux (Tchèneû), Wérimont (Wèrîmont), Beauloup (Bêleû), Hassoumont (Hâssoûmont) et Monceau (Moncê).

En juillet 1795, la commune de Roanne est rattachée à la commune de La Gleize ; après ce rattachement, la population communale est de 1293 habitants ; le village de La Gleize reste le chef-lieu de la commune du même nom et compte 285 habitants. Cette situation administrative durera jusqu’en 1977, date de la fusion des communes. De nos jours, le village de La Gleize fait partie de la commune de Stoumont.

En 1800, un recensement du bétail pour la commune de La Gleize donne les chiffres suivants : 92 bœufs, 315 vaches, 306 veaux et génisses, 11 chevaux, 9 juments, 506 moutons, 94 cochons, 2 chèvres et 1 âne. A cette époque, le village se compose principalement de fermettes chaulées avec colombages et les toitures sont recouvertes de chaume. Au fil du temps, les « Gleizois» (Gléhtès) délaisseront les cultures traditionnelles (seigle, épeautre, avoine, orge, froment, pommes de terre, lin et chanvre) au profit de la monoculture herbagère. Le tronçon La Gleize-Coo de la route nationale reliant Trois-Ponts et Remouchamps a été terminé en 1867 et le tronçon La Gleize-Targnon dix ans plus tard. La route La Gleize-Spa a été inaugurée en 1860 et la route La Gleize-Rahier en 1867.

Liste des Maires, Burgmeester et Bourgmestre :

J.J. Charlier en 1794,
G. Willem en 1796,
Mathieu de Roanne,
… Legrand de 1802 à 1805,
G. Servais de 1805 à 1827,
J. Berger de 1828 à 1836,
J. Servais de 1836 à 1854,
J. Servais-Delvenne de 1854 à 1872,
J. Legros de 1872 à 1879,
J. Lepièce de 1879 à 1885,
J.F. Wérihay de 1885 à 1912,
J. Burnay de 1912 à 1923,
L. Boulanger de 1923 à 1926,
J. Georgin de 1926 à 1929,
A. Maréchal de 1929 à 1941,
W. Renson de 1942 à 1951,
J. Louis de 1951 à 1956,
L. Prevôt de 1956 à 1958,
Edouard de Harenne de 1958 à 1976

C’est en 1917 qu’une conduite d’eau privée, initiée par Joseph Lambert, est branchée ; elle amène l’eau du captage de « Fagne lu dame » à La Gleize ; la commune en reprendra la charge en 1921. C’est aussi en 1917 qu’Etienne Grégoire produit de l’électricité à l’aide d’une « locomobile » à vapeur achetée à Verviers et installée dans son atelier. Le courant, produit uniquement en soirée, était distribué à La Gleize, à Wérimont et à Borgoumont, via une ligne réalisée en fil galvanisé, supportée par des poteaux (perches d’épicéas). Par la suite, ce fut un exploitant d’une turbine à Coo qui raccorda le petit réseau gleizois à sa production. C’est vers 1930 que La Gleize est raccordé au réseau électrique.

En 1960, la commune de La Gleize comptait 150 agriculteurs ; de nos jours, l’habitat de La Gleize est devenu principalement résidentiel, néanmoins quelques fermes sont encore en activité dans les hameaux de l’ancien « ban roannais ». Une épicerie, un musée, une brasserie, deux restaurants, deux garages, quelques artisans et des gîtes de vacances complètent le tissu économique du village.

Carte postale 1910  Grand’rue : A gauche, l’hôtel des Ardennes de la famille Delvenne

Carte postale 1910  Grand’rue : A gauche, l’hôtel des Ardennes de la famille Delvenne

Les commerces 

Au siècle dernier, parmi les commerces gleizois, on peut citer : l’hôtel de La Gleize de la famille Rediger (devenu l’hôtel « Aux Ecuries de la Reine »), l’hôtel des Ardennes de la famille Delvenne, l’épicerie « Au bon marché » de la famille Ziant, la siroperie Dumont début du 20e siècle, le café Ziant-Tiquet, l’épicerie-cordonnerie Fronzé (par après l’épicerie-café Wasseige « Al Verjale »), le café du Commerce (par la suite l’hôtel « La Fermette » de la famille Geenen), le café-salle « L’Echo des Campagnes » de Simone Dumont, l’hôtel « Au Carrefour » d’Arnold Renard-Jehensen (de nos jours « Le Vert de Pommier »), l’épicerie-pension de famille Gaspard-Heyen (par la suite épicerie « Au bien-être »), l’épicerie Kalbusch, la friterie « du Tank », le café de la Gare de la famille Olette, …

Au Moyen Age, on se trouve en présence d’une grande paroisse de Roanne (elle englobait les territoires de La Gleize, Stoumont et Francorchamps) et de deux églises : une à La Gleize (centre du « bas-ban ») consacrée à Notre-Dame de l’Assomption et une seconde située à Moustier, non loin de Roanne (centre du « haut-ban »), dédiée à Saint-Eustache.

Au fil des siècles, plusieurs démembrements eurent lieu. De nos jours, la paroisse de La Gleize dépend de l’Unité Pastorale de Stoumont. L’église de La Gleize, de style roman, daterait, semble-t-il, du 12e siècle ; néanmoins, l’édifice, ceinturé par le cimetière, a été construit en plusieurs étapes. La tour, qui menaçait ruine en 1856, ne fut réparée que trente ans plus tard. Pendant la bataille de La Gleize, en décembre 1944, l’église est détruite ; il faudra attendre 1951 pour qu’elle soit à nouveau ouverte aux fidèles. Durant ces sept années, les services religieux eurent lieu dans une chapelle en planches élevée derrière le presbytère. En déblayant les ruines de l’église, des ouvriers découvrirent dans un mur du chœur un pot en grès contenant des pièces de monnaie du 17e siècle. L’église renferme une statue en bois de la Vierge datant du 14esiècle.

Carte postale  1910 : l’église Notre-Dame de l’Assomption

Carte postale  1910 : l’église Notre-Dame de l’Assomption

Parmi les anciens desservants de la paroisse, on peut citer :

Jean Bocheau de 1500 à 1530,
Wuinand de Limbourg de 1530 à 1572,
Remy d’Outrelepont de 1572 à 1593,
P. Lamberti de 1593 à 1597,
Servais Mathieusis de 1597 à 1608,
Thomas d’Outrelepont de 1608 à 1628,
Lambert de l’Abbye en 1629,
Remy d’Outrelepont de 1629 à 1633,
Jean Quirini de 1633 à 1636,
Jean de Lognoul de 1636 à 1693,
Jean Coune de 1693 à 1699,
Jean Collin de Parfondruy de 1699 à 1702,
Simon Lekeu en 1703,
Henri Denis de 1703 à 1735,
Louis Delvenne de 1735 à 1752,
Thomas J. Boutet de 1752 à 1801,
L. Lombard de 1801 à 1818,
J.J. Gaspard de 1818 à 1858,
V.J. Grégoire de 1858 à 1860,
P. Boulanger de 1860 à 1866,
J.A. Bontemps de 1866 à 1870,
G. Vandervelpen de 1870 à 1872,
N. Franssen de 1872 à 1880,
Lambert Stiennon de 1880 à 1894,
Guillaume Hauzeur de 1894 à 1899,
Joseph Thirifays de 1899 à 1903,
Victor Moreau de 1903 à 1910,
Léopold Bertrand en 1911,
François Mossay de 1911 à 1923,
Julien Wilkin de 1923 à 1927,
Maurice Gueury de 1927 à 1937,
Louis Blokiau de 1937 à 1971,
Victor Leduc de 1971 à …. ,
Jean-Luc Mayeres de …. à 2015 (curé de l’Unité pastorale de Stoumont),
actuellement Colomban Niyonsaba (curé de l’Unité pastorale de Stoumont).

Carte postale  1900 : La place du village et la maison communale abritant l’école

Carte postale  1900 : La place du village et la maison communale abritant l’école

L’école

En 1826, l’instituteur J.J. Sépult enseigne à La Gleize et occasionnellement à Roanne. En 1835, les cours se donnent dans un bâtiment communal. En 1856, le local scolaire qui sert également de salle pour le conseil communal devient trop petit. Une nouvelle maison communale comprenant des locaux administratifs et une salle de classe plus grande est construite de 1860 à 1862. En décembre 1944, la maison communale est détruite. Pendant quelques années, les enfants auront cours dans plusieurs maisons du village ; il faudra attendre 1951 pour avoir de nouveaux locaux. En 1958, une seconde classe est ouverte.

Parmi les enseignants, on peut citer :
J.J. Sépult de 1826 à 1843,
J. Dumoulin de 1843 à …. ,
… Sonnet de …. à 1900,
E. Collard de 1900 à 1934,
O. Collard de 1934 à 1967,
… Mathieu-Bastin de 1958 à …. ,
J. Hansenne de 1966 à ….

Actuellement, il y a 35 élèves en maternelle et 41 en primaire ; l’école est dirigée par Marc Mathieu assisté de  Delphine Colin, Audrey Rosseler, Christiane Legros, Brigitte André, Caroline André et Aline Werner.

Carte postale  1910 : la gare de La Gleize

Carte postale  1910 : la gare de La Gleize

La gare

La ligne de l’Amblève (ligne 42) a été construite de 1885 à 1890. D’abord à simple voie, la ligne a été doublée pendant la Grande Guerre par les Allemands. La gare de La Gleize avait été construite pour l’ouverture de la ligne ; elle était située à plusieurs kilomètres de la localité, entre La Gleize et Stoumont. Jusqu’en 1957, un guichet de la poste y était ouvert. Sur cette ligne, dès 1955, les locomotives à vapeur ont fait place aux locomotives diesel. Le dernier chef de gare de la station gleizoise s’appelait M. Philippart.

Dans les années cinquante, la cour aux marchandises était utilisée principalement par deux sociétés : la firme Renard (fourrages, engrais, charbon) et le marchand de bois Rigo-Gérard. La cour aux marchandises sera supprimée définitivement en 1975 ; le dernier agent fut Albert Marette.

En 1977, la gare est désaffectée ; l’année suivante, elle est démolie et depuis juin 1984, les trains n’y font plus arrêt. En 1989, la seconde voie est démontée et en mai 2000 a lieu l’inauguration de l’électrification de la ligne. De nos jours, sur le site de la station de La Gleize se trouve le parc à conteneurs de la commune de Stoumont.

Fin décembre 1944, la grand rue de La Gleize en ruine

Fin décembre 1944, la grand rue de La Gleize en ruine

La bataille de La Gleize

La bataille de La Gleize, en décembre 1944, est considérée de nos jours comme une des raisons principales de la défaite allemande dans la bataille des Ardennes. On peut dire que si les Américains ont gagné la bataille des Ardennes à Bastogne, les Allemands l’ont perdue à La Gleize.

L’objectif allemand était simple, d’abord franchir la Meuse puis gagner Anvers et neutraliser son port par lequel arrivaient les renforts et le ravitaillement des Alliés. Notre région fut confrontée à la 6e Armée Panzer SS du général Sepp Dietrich, et plus spécialement au groupe de combat du colonel Joachim Peiper, équipé des fameux tanks « Tigre royal » (le n°213 du capitaine Helmut Dollinger se trouve devant le Musée de La Gleize).

Le 18 décembre, l’avant-garde des troupes de Peiper atteignit le village de La Gleize ; elles y resteront jusqu’à la veille de Noël. De lourds combats y auront lieu ainsi que dans le village de Stoumont. Pendant plusieurs jours, les énormes canons des batteries de l’artillerie lourde américaine pilonneront les troupes allemandes déployées sur les bords de l’Amblève. Le 19 décembre, la 82e division airborne commandée par le général Jim Gavin et la 3e division blindée dirigée par le général Maurice Rose sont engagées dans la bataille ; elles avaient pour mission de libérer la vallée de l’Amblève ; elles furent aidées par le 740e bataillon de tanks du lieutenant-colonel George K. Rubel.

Lorsque le dimanche 24 décembre, dans les toutes premières heures de la journée, les rescapés du groupe de combat du colonel Peiper quittent La Gleize en abandonnant le matériel roulant faute de carburant, le village n’est plus qu’un vaste champ de ruines. A La Gleize, il y eut treize victimes civiles, à Stoumont cinq et à Cheneux six.

Situé à côté de l’ancienne maison communale, un musée, dénommé « Décembre 44 », ouvert en 1989 et entièrement modernisé en 2013, retrace la terrible bataille de La Gleize.

Le Parler de La Gleize

Le dialecte wallon de La Gleize, aussi dénommé « le gleizois », se rattache au dialecte liégeois et à deux de ses variétés, le verviétois et le stavelotain. Les particularités de ce dialecte, appelé également « Le Parler de la Gleize », sont bien connues grâce aux ouvrages de Louis Remacle, natif de la commune, linguiste, dialectologue et professeur à l’Université de Liège.

Sobriquet et confrérie

Jadis, dans la région, les habitants de La Gleize étaient surnommés « les Magneûs d’ Makêye ». La tradition orale raconte que les Gleizois, pour se procurer un peu d’argent, préféraient vendre leur beurre à la ville la plus proche et beurrer alors leurs tartines à la makêye. En 1965, une confrérie dénommée « La confrérie des Magneûs d’Makêye » est fondée à La Gleize afin de remettre à l’honneur le fameux fromage blanc. Chaque année, en avril, le traditionnel banquet de la confrérie, l’annuelle « Crasse Eûrée », réunit intronisés et sympathisants.

Carte postale  1900 : A gauche, le café-salle « L’Echo des Campagnes »

Carte postale  1900 : A gauche, le café-salle « L’Echo des Campagnes »

La fête à La Gleize

La société dramatique « L’Echo des Campagnes » a été fondée en 1848 par Remy Willem. Son local se trouvait dans le café-salle du même nom, situé à côté de la maison communale. C’est là que pendant de nombreuses années se déroulèrent les festivités gleizoises. La société cessa ses activités en 1954.
En 1853, « La clique de La Gleize » fut également fondée par Remy Willem, mais la guerre scolaire de 1879 la scinda en deux groupes : les libéraux et les catholiques. Un curé qui officia au début du 20e siècle envenima encore plus les relations entre les deux clans ; il s’opposa au service de l’harmonie lors des enterrements et en représailles les musiciens refusèrent d’accompagner les processions. La fanfare disparut après la Grande Guerre.

La kermesse du village se déroule chaque année le dimanche suivant le 15 août ; avant 1938, la fête avait lieu en septembre. Vers le milieu des années cinquante, Gérard Grégoire, un des fondateurs du musée gleizois, mit sur pied une manifestation folklorique en organisant un cortège dont les chars étaient tirés par des animaux. Soixante ans plus tard, « Les 48 heures de La Gleize » rameutent toujours les amateurs du terroir.

La chapelle Sainte-Anne

Elle se trouve le long de la route La Gleize-Stoumont, à mi-distance entre les deux villages. Sa construction date, semble-t-il, de 1556 ; un siècle plus tard, elle fut agrandie. Sainte-Anne est invoquée contre la stérilité, pour diverses maladies et par les jeunes filles en mal de mari. De nos jours, une messe est célébrée dans la chapelle gleizoise le 26 juillet, le jour de la fête de la sainte.

Jean Lecampinaire

Sources :
Lu Gléhe Do Timps d’Nos Vîs Parints (Thierry Schmitz – 1983)
La Gleize ancien ban de Roanne (Serge Fontaine – 1972)
Le parler de La Gleize (Louis Remacle – 1937)
Rivage – Trois-Ponts, Le chemin de fer de l’Amblève (Georges Henrard – 2001)
Les Panzer de Peiper face à l’U.S. Army (Gérard Grégoire – 1978)


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