La parole est d’argent et le silence est d’or

Pour tout l’or du monde, certains Bobelins rêvent toujours d’être riches. Or, si nous pouvions exposer nos richesses, on roulerait sur l’or et on aurait notre porte d’entrée en argent massif qui vaudrait son pesant d’or. Mais notre richesse serait vite convoitée par les matadors et nous deviendrions aussi vite pauvres que Job. Depuis la construction des hôtels et auberges spadoises, le tenancier rêvait d’être riche et encore plus riche que son voisin.

Plus sérieusement, j’ai retrouvé plusieurs Spadois qui affichaient leurs espoirs de richesses dans les noms de leurs villas, auberges, hôtels ou cafés.

Déjà en 1772 dans une liste de propriétaires des quartiers d’Amontville, Marché ou de Gravioulle, c’est-à-dire les rues du Marché, Royale et Schaltin d’une époque dorée, les Spadois pouvaient lire sur les devantures, des noms aux consonances dorées : A la Chaîne d’Or, Barbe d’Or, Charrue d’Or, Mortier d’Or, Mouton d’Or, Rose d’Or, Tête d’Or, Vigne d’Or, Ancre d’Or, Anneau d’Or, Arbre d’Or, , Chandelier d’Or, Fontaine d’Or, Barbe d’Or, Pied d’Or, Raisin d’Or, Chapeau d’Or, Toison d’Or, Dragon d’Or, Cloche d’Or et Raisin d’Or.
Dans la rue des Ecomines se trouvaient aussi : Au Canon d’Or et à la Croix d’Or. Dans les rues de la Sauvenière et Xhrouet, vous pouviez lire : L’aigle, la Clef, le Lion, la Main, le Moulinet et du Pot tous accompagnés de l’Or.

L’hôtel « Aux Trois Rois » en 1637 s’est appelé après 1799 « Au Poids d’Or ». Le bâtiment de l’Hôtel de la Chaîne d’Or est bien connu des Spadois. Cet hôtel a existé avant 1800 le long des terrasses de la place Royale mais démoli depuis lors. En 1895, après un sérieux incendie, l’entrepreneur Nicolas Collette l’avait reconstruit entièrement. Il s’agit de l’ancien Samar de René Gheelen en 1953, reconverti dans les enseignes Rema puis Sarma-Nopri. Actuellement, ce sont les Blokker et Zeeman.
Au Dragon d’Or était une pâtisserie en 1910 tenue par Barzin-Hanrion et actuellement le restaurant « Côté Montagne » de la rue du Marché. L’Auberge du Soleil d’Or était le café « Monico » de la rue Schaltin, où Pierre Huet avait aménagé en 1857 deux nouvelles vitrines. Cette auberge fut renommée « Au Soleil d’Or ».

Plus tard et surtout avec l’arrivée du chemin de fer, les Spadois lisaient en long et en large les noms des propriétaires sur les stores, plaques ou façades des immeubles. J’ai pu relever entre 1840 et 1900 plusieurs titres. La date citée est celle qui est octroyée par l’administration communale suite à une demande officielle. Il est tout à fait probable que les devantures citées étaient garnies d’objets comme par exemple un cheval pour « Le Cheval d’Or ».

L’ancien Bureau des Postes de la rue du Marché en 1852 se trouvait dans la maison « Au Mouton d’Or », nom de l’ancien hôtel « Mouton blanc » au n°62 actuel. Le garde-champêtre, Jean Baptiste Carrière, débaptisera l’hôtel de Pologne en 1852 pour l’appeler « A la Fontaine d’Or » dans le Vieux Spa. Ce bâtiment fut démoli il y a quelques années afin de reconstruire un immeuble à appartements rue de Barisart au n°205. Le plombier zingueur, Dieudonné Pickman, de la rue des Ecomines appellera son habitation en 1861 « A la Pompe d’Or » puis il déménagera sous la même enseigne dans la rue Neuve en 1863. Idem son voisin avec « Au Canon d’Or » pour le serrurier Jules Doutrelepont en 1864. L’hôtel du « Cornet d’Or » était tenu par Isidore Decock dans la promenade de 4 Heures et rue du Marché. Il rénove la façade en plaçant onze nouvelles fenêtres en 1861. Il s’agit de l’emplacement de l’ancien hôtel « Au Cornet » de 1667, devenu l’Hôtel des Pays-Bas puis Hôtel du Palais Royal après 1900. Dans la rue des Ecomines en 1866, la « Poule d’Or » était le nom du restaurant de Pierre Urbain. L’ « Hôtel de la Boule d’Or » se situe en 1830 place du Marché. Le plombier zingueur, Epiphane Beyne, y fait des travaux importants en 1866. Sous le même nom en 1867, le boucher, Joseph Wilkin, tient boutique et fait une demande en 1889 pour y tenir des porcs dans la cour de l’ancien hôtel.

En 1866, Jean Briska, boulanger de l’avenue de Marteau, adresse une demande afin de construire un four à pain, dans la maison nommée « À la Couronne d’Or ». Cette enseigne est devenue celle du plombier Auguste Renardy en 1870 pour la même maison.
C’est toujours sous la même enseigne d’un cabaret que Raoul Leroy et Anne Leloup s’installent en 1890 dans la rue de Barisart au n°2. Ce couple déménagera en 1899 rue Schaltin pour tenir le restaurant « Restaurant de la Couronne d’Or ». Ce même couple était déjà connu dans le hameau de Marteau depuis 1877 dans la maison nommée « Café du Pont de Raoul ».
Place Verte en 1877, le négociant Georges Sody et son épouse Marie Palla ont appelé leur commerce « Au Cheval d’Or » car Georges était maréchal-ferrant. Le serrurier Antoine Legrand dans la rue des Ecomines affichait en 1880 ses qualités professionnelles, celles de « La Cuisinière d’Or ». Le commerce tenu par Antoine Xhrouet et son épouse Marcotte s’appelait en 1885 « A l’Arbre d’Or » dans le quartier d’Amontville. Place Pierre Le Grand en 1885, Mme Marie Haugustaine, âgée de 38 ans, adresse une demande à la ville pour déposer une plaque sur la façade. Peut-être était-elle institutrice, car il était inscrit « A la Plume d’Or ». En 1891, dans la rue de la Gare n°14 existait la maison « Au Maillet d’Or » du menuisier Jacques Dejaegher. Le cafetier Joseph Lenners du n°3 de la rue David appelle sa maison en 1897 « Restaurant du Coq d’Or ». Le serrurier Alfred Nockin de la rue Xhrouet habite « A la Main d’Or ».

Vous l’aurez remarqué, ce sont les artisans du métal qui ont une préférence pour le métal doré. Rien d’étonnant, leurs ancêtres étaient alchimistes et voulaient transmuter le plomb en métal noble comme l’argent et l’or. En 2015, il restait un seul commerce « doré », le Chandelier d’or rue Royale. L’argent d’or ne le réveillez pas !

Jean-Luc Seret

Sources :
Archives du Fonds Body : Plan Leconte 1780
Population 1772 et Registres des Annonces
Les enseignes hôtelières à Spa
Marc Jospeh
Etat-civil de Spa
Site Heuse


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