La sève de nos beaux arbres s’est retirée, les feuilles ont été dispersées par le vent d’automne, la nature se met en sommeil. La main glacée de l’hiver s’étendra bientôt sur nos arbres et arbustes dépouillés de leur parure somptueuse. Seul, le houx fera exception dans ce décor hivernal. On pourrait croire qu’il s’est trompé de saison car il reste vert de janvier à décembre avec une grande constance. Ce privilège, il le partage avec le gui, le lierre, l’if, le genévrier et bien d’autres sapins de nos contrées.
L’hiver est, pour notre houx, sa période glorieuse. Il semble invulnérable avec son feuillage vert sombre, rehaussé de baies brillantes d’un beau rouge écarlate. Le houx commun est présent dans toute l’Europe, sauf dans l’extrême nord et dans l’ouest de l’Asie. Il aime les terrains acides et les régions humides. C’est un arbrisseau qui peut atteindre la taille de 20 mètres. Il forme la strate arbustive dans les hêtraies et dans les forêts mixtes. Son tronc est trapu, souvent ramifié près de la base et recouvert d’une écorce d’abord lisse et vert jaunâtre puis grise et légèrement striée. La cime est ovale et dense, assez étroite au sommet. Arbre dioïque, il ne donne des fruits que lorsque les pieds mâles poussent à proximité des pieds femelles.
Les rameaux aux fruits rouges, que l’on nomme « drupes » sont le symbole de la fête de Noël. Les « drupes » sont des fruits charnus avec noyau. La caractéristique du houx est que ses drupes portent quatre à cinq noyaux, dans lequel une graine attend de germer. Elles mûrissent en octobre.
Les feuilles alternées, ovoïdes, longues de 3 à 8 centimètres sont coriaces et le bord épineux. Leur face supérieure est d’un beau vert sombre et brillant, car recouverte d’une cire protectrice. Leur envers est vert pâle. Si l’on observe un houx âgé, on s’aperçoit qu’à partir d’une certaine hauteur, l’arbre néglige de doter toutes ses feuilles de piquants traditionnels pour fabriquer des feuilles à bords lisses, parfois avec juste une pointe acérée au sommet. Entre la feuille hérissée et celle totalement lisse, toutes les variations sont possibles sur le même pied. Les feuilles du houx ne tombent pas en automne, mais l’arbre les renouvelle tous les deux ans (pas toutes en même temps) vers le mois de juin ; cette technique limite de moitié la dépense d’énergie nécessaire aux houx pour produire son feuillage. Les fleurs, blanches et odorantes, poussent en petits bouquets, dans les aisselles des feuilles. La floraison a lieu en mai et juin.
Arbuste indigène, spontané, vigoureux et rustique, le houx ne craint pas grand chose de notre climat océanique. Un houx peut nous survivre ainsi qu’à nos descendants car sa longévité peut atteindre trois cents ans ! Il nous faudra une grande patience avant qu’il atteigne son plein développement en effet ses rameaux ne croissent guère de plus de cinq à dix centimètres par an. Malgré sa croissance lente, c’est une espèce très décorative souvent utilisée pour les haies défensives, les topiaires, car elle supporte bien la taille.
Le bois, blanc nacré, dense, à grain fin, se polit facilement et est employé en sculpture, en tournerie, et en ébénisterie pour fabriquer divers objets. Un bouquet de houx attaché à une longue corde lestée d’un poids était un excellent moyen pour ramoner nos cheminées et ainsi en détacher la suie. Le houssoir était un balai emmanché d’une perche en houx choisie pour la solidité et souplesse du bois. Le verbe housser se trouve encore dans nos dictionnaires. Il a donné en vieux français le verbe houssepignier devenu plus tard houspiller. (le ramoneur : hovate en wallon dictionnaire Haust)
Autrefois, l’écorce servait à préparer de la glu pour les oiseleurs, pratique aujourd’hui interdite.
Généreux, notre arbuste offre un abri à la vie sauvage et une nourriture aux insectes butineurs grâce à l’abondance du nectar de ses fleurs.
Les baies rouges ne sont pas toxiques pour les oiseaux qui s’en régalent goulûment mais attention, ces jolis fruits bien tentants, sont toxiques pour l’être humain ; ingérés en grande quantité, ils sont vomitifs et purgatifs.
Depuis très longtemps, notre arbuste s’associe aux diverses festivités de l’homme qu’elles soient païennes ou religieuses. Pour nos aïeux, la vigueur provocante de cet arbuste témoignait de son invulnérabilité. C’est pourquoi il était planté à proximité des demeures pour repousser les sortilèges. Les rameaux étaient suspendus dans la maison et ses dépendances afin que l’année à venir soit généreuse et indulgente. On symbolisait ainsi la persistance de la vie.
Des coutumes bien wallonnes sont rapportées dans les ouvrages de folkloristes pour conjurer les maléfices :
- Les charretiers faisaient jadis monter une pièce de houx dans les charrettes neuves, soit dans la roue, soit dans les châssis latéraux, pour écarter le spectre de l’accident.
- On recommandait aussi de toujours préférer le bois « de houx » pour frapper les sorcières, car alors, elles sentent mieux les coups.
- Dans les classes populaires, le houx symbolisait le mauvais caractère et même la perfidie. Le houx repoussoir avec ses feuilles hérissées de piquants, habitait l’imaginaire du peuple. Les jeunes hommes suspendaient aux fenêtres des demoiselles (tradition du mai) des rameaux d’arbres divers qui délivraient un message public. Une branche de houx accrochée à la fenêtre d’une jeune fille lui signifiait que son prétendant renonçait à lui plaire ou la rejetait.
- Dans le pays de Herve, on se débarrassait des verrues en piquant chaque excroissance avec la maîtresse pointe d’une feuille de houx sans oublier de réciter ses prières…
Les Romains, dans l’Antiquité, glorifiaient Saturne qui était leur divinité agricole. Les huttes des tribus germaniques étaient ornées de bouquets de houx pour appeler les bonnes grâces des dieux de la forêt. Depuis le Moyen Age et maintenant encore, nos tables sont ornées de guirlandes de houx lors des fêtes hivernales.
En tant que plante médicinale, le houx a des propriétés calmantes contre les crises de foie et la jaunisse. Il fallait réduire en poudre les jeunes pousses de l’année et les faire macérer dans du vin de Moselle. Les baies macérées dans du Genièvre soignaient la migraine. Une tisane de feuilles apaisait les maux de dents et d’estomac. Actuellement, on retient essentiellement la valeur des feuilles qui contiennent un sucre, l’ilicine, du tanin, de la théobromine, des principes amers. Elles sont dépuratives, diurétiques, sudorifiques et fébrifuges. Elles sont intéressantes contre les toux rebelles, les coliques intestinales, la goutte, la grippe et les rhumatismes.
Le houx est en régression dans les haies vives mais il mérite notre attention et notre respect. Regrettons que des marchands peu scrupuleux, en période de Noël, saccagent les arbustes en arrachant sans aucune précaution les branches garnies de fruits. Le houx, choisi comme arbre de l’année 2012, m’a inspiré ces quelques lignes.
Monique Poncelet