Ce mémorial, construit suivant les plans de l’architecte Charles Tefnin, comprend deux stèles aux victimes de l’A.S. (Armée Secrète) de la Seconde Guerre et trois croix en mémoire des trois victimes tombées face à l’ennemi lors de la bataille de Bronromme le dimanche 10 septembre 1944.
Bronromme est un haut lieu de la résistance régionale spadoise. Il est choisi comme lieu de parachutage pour le ravitaillement du groupe 44 de l’Armée Secrète. Le samedi 9 septembre 1944, le groupe reçoit le soir le parachutage d’hommes et de matériel, après la diffusion par la BBC du message : « Le chevreuil est un animal très rapide, il aura deux petits ce soir ». Le dimanche 10 septembre 1944, alors que dans l’allégresse, la population spadoise acclame ses libérateurs, des combats meurtriers se déroulent à Bronromme.
A l’origine, les trois croix, dessinées par Ivan Dethier, avaient été dressées à l’endroit exact où était tombé le combattant.
La croix de gauche, la croix Pirotte, se dressait autrefois sur la lande sauvage à l’extrémité des prairies du hameau de Bronromme, en direction Nord Ouest.
Mémoire de
ROGER PIROTTE
Brigadier de l’Armée Secrète
Tué à l’ennemi
Le 10 sept. 1944
R.I.P.
La croix du centre, la croix Schulte et la croix de droite, la croix Cimino étaient visibles à partir du chemin menant à Bronromme. Proches l’une de l’autre, elles se trouvaient à la lisière d’un bois situé à gauche de ce chemin.
A la
Mémoire de
ERNEST SCHULTE
Lieutenant de l’Armée Secrète
Tué à l’ennemi
Le 10 sept. 1944
R.I.P.
A la
Mémoire de
PHIL CIMINO
De l’Armée Américaine
Volontaire de l’Armée Secrète
Tué à l’ennemi
Le 10 sept. 1944
R.I.P.
Phil Cimino était un aviateur américain. Tombé en Hollande, il cherchait à reprendre du service.
Voici le récit de la Bataille de Bronromme paru à l’époque dans la Vie Spadoise.
10 Septembre 1944. Le début de la matinée se passe sans incident. M. l’abbé Thyssen célèbre la sainte messe devant les combattants pieusement recueillis.
Tout à coup, vers 11 heures, un coup de feu éclate. La sentinelle devant les obstructions a donné l’alerte. Un char léger et un camion allemands s’approchent.
Ils s’arrêtent devant les troncs d’arbre abattus. L’ennemi se prépare à combattre.
Au château, les hommes armés se rassemblent. Une escouade attaque de face. Une autre amorce un mouvement tournant. La bataille commence. Les Allemands éparpillés dans les bois, le long de la route, ne sont pas très nombreux. La manœuvre enveloppante par la gauche est dirigée par le capitaine X. L’équipe du 1er maréchal des logis Légipont protège le refuge vers la route de Stoumont. L’équipe du maréchal des logis Georges Augarde, un peu en retrait, surveille la trouée vers Les Biolles. Le 1er chef Anthiérens et ses hommes sont chargés de défendre l’accès de la plaine, en direction de Bérinzenne et du bois de Plein Fays. L’équipe Langen renforce les parachutistes du capitaine X. L’attaque commandée par le brigadier Defaaz A. réussit. Les Allemands décrochent. Cependant, les Spadois gardent le contact. Une torpille lancée par le basooka, arme anti-char, met hors d’usage le char et le camion.
12 heures. Les hommes continuent à déballer les containers et montent les armes. Au fur et à mesure, de nouvelles équipes renforcent les éléments de première ligne.
13 heures. Les Allemands reçoivent des renforts plus importants. Le lieutenant Schulte commande une manœuvre derrière la ferme Langen, dans la sapinière, en direction de Desnié. Phil Cimino, parti en éclaireur, arrive à l’orée du bois, face à une prairie. A quelques mètres de lui, vers la gauche et devant lui, le long de la route, les Allemands sont abrités dans les arbres. Une véritable pluie de balles salue l’arrivée de l’éclaireur. Phil Cimino tombe. La section se replie à quelque distance tout en continuant le combat. Mais il faut sauver l’éclaireur. Le lieutenant Schulte demande des volontaires. R. David, R. Decerf, J. Bodeux, M. Dejardin, J. Nève et Roiseux se présentent. Courageusement, comme un vrai chef, le lieutenant part seul à leur tête. Il est repéré. Une salve éclate. A son tour, le lieutenant Schulte tombe. Il est 13h30’.
Je prends le commandement crie le maréchal des logis Decerf et le groupe de volontaires progresse. Mais subitement, un barrage infranchissable fait rage. Les balles sifflent partout, écorchant, transperçant les sapins. C’est une folie d’avancer encore. En bon ordre, le dernier protégeant ses camarades, le petit groupe se replie et rejoint le lieutenant Schleck. Immédiatement, celui-ci entreprend une seconde tentative. Il s’agit maintenant de sauver deux amis. Accompagné d’A. Defaaz, J. Remacle et M. Dejardin, il parvient à s’approcher de la lisière. Le cœur brisé, ils constatent la mort de leurs camarades.
Phil Cimino est tombé au pied d’un sapin, la tête penchée dans le fossé. A quelques mètres en retrait, le lieutenant Schulte qui n’a pu le rejoindre, a gardé dans sa chute la position d’assaut, genou plié, buste baissé, face à l’ennemi. De la poche pend un chapelet. Emblème du devoir et de l’espérance. Mais au moment où les hommes veulent enlever les corps des deux héros, l’ennemi reprend le combat. La mitraillade crépite. Force est de se replier à nouveau. La bataille se poursuit jusqu’à 16 heures. Les Allemands n’ont pas avancé d’un pas. Au contraire, ils ont cédé du terrain et les braves du maquis conservent l’avantage.
Pendant la courte accalmie qui succède, une partie des forces, par le Fond Crasse et le domaine de Lesbiolles, rentre à Spa, emmenant les prisonniers. Il n’y a plus au château que douze hommes et huit parachutistes, restés dans le but de relever les corps du lieutenant et de l’aviateur. Tout semble terminé, lorsqu’à 18 heures, les sentinelles signalent trois chars, un camion et un mortier sur la route de Stoumont.
Le lieutenant Gillet ordonne un repli sous les couverts, en direction du domaine de Lesbiolles. Mais l’ennemi tend une embuscade. Il faut traverser un espace boisé, passer entre des souches d’arbres, traîtresses, avec pour seule protection, les hautes herbes qui ont tout envahi. Les hommes rampent à la file indienne. Roger Pirotte est en tête lorsque la colonne atteint un ancien coupe-feu entièrement dégarni. Un instant, souffle-t-il, je passe seul pour me rendre compte. Il bondit. Une rafale part du petit bois à deux cents mètres. Roger Pirotte s’affale. Il est 18h30’.
Après avoir entouré l’endroit, ses camarades s’approchent. Trop tard, il est mort. Il a payé de sa vie le salut de ses amis. Sans son courage, sans son audace, combien de disparus déplorerions-nous aujourd’hui ?
La bataille est terrible. C’est une pluie de balles, ininterrompue. En Normandie, nous n’avons jamais essuyé de coup aussi dur, confient les parachutistes. Dispersés, petit à petit, les maquisards forment des groupes et rejoignent la ville. Les boches là-bas se retirent. Ils incendient la ferme Langen, pillent deux bâtiments avoisinants mais n’osent s’approcher de la ferme-château.
Chef calme et résolu, le lieutenant Joseph Gillet reste le dernier sur le champ de bataille qu’il visite en tous sens pendant longtemps. Enfin, certain que les braves sont en sûreté, que pas un blessé, pas un retardataire n’est à sauver, à son tour il rentre à Spa. Hésitant, inquiet, l’ennemi a fui en direction de Stoumont, emmenant ses morts, ses blessés, ses véhicules brisés pour être enfin capturé, sans doute, plus loin par la colonne américaine qui descend la vallée.
C’est donc à Bronromme, lisière des Hautes Fagnes traversées par la Grande Vecquée que les Allemands ont été chassés en dernier lieu de notre région. C’était par là, en 1940, qu’ils étaient entrés pour nous dominer. Juste retour des choses. Les Spadois, pendant quatre ans, la rage au cœur, ont subi leur domination. Mais le moment venu, les sous-officiers et soldats de notre beau 1er régiment de Lanciers qui furent à l’origine du mouvement accueillirent cordialement les volontaires. Tous surent faire preuve de leur esprit de discipline et de solidarité, de leur mépris du danger et de leur ardeur combattive. Ils étaient à Bronromme.
Deux stèles font également partie du monument. L’une rend hommage aux héros du refuge du chevreuil morts dans les bagnes nazis : André Pierre, Franssen Marcel, Renson Paul, Saelens Richard, Schener Julien. L’autre de l’armée secrète rend hommage à Bertrand Joseph, Keutiens Hubert, (fusillés), Chevolet Léon, Toussaint Théophile (disparus en Allemagne) et Beckers et son fils Jean fusillés à Winamplanche.
Jean Lecampinaire
Sources :
La Reid (André Vlecken – 1949)
La libération de Spa et de sa région (François Bourotte – 1994)
Croix, Chapelles et Oratoires de la région spadoise (H.A.S. – Maurice Ramaekers – 1977 à 1979)
La Vie Spadoise de novembre 1944 (Fonds Body)
Nous leur devons notre liberté
Soyons en digne !