La fontaine appelée aujourd’hui le Tonnelet a d’abord porté le nom de Frayneuse. C’est sous ce nom qu’elle apparaît en 1559 dans la liste des fontaines qui se trouvent autour de Spa dressés par Limborh à la fin de son livre: Des fontaines acides de la forest d’Ardenne.
En 1734, l’auteur des Amusemens des eaux de Spa déclare que cette fontaine est située « sur une petite montagne au haut d’une prairie nommés le Pré de Fresneux éloignée des rochers d’un demi quart d’heure » [1].
La source ne fut mise en usage que dans les 1ères années du XVIIè s., à peu près à la même époque que celle de la Géronstère. Successivement étudiée par de Rye et de Heer, médecins du pays de Liège, elle fut mise en vedette par André Trevisius, médecin de l’archiduc Albert et de l’archiduchesse Isabelle.
Voici la description qu’en donne Pierre Bergeron dans son Voyage à Liège et en Ardenne [1619] à la suite de sa notice sur la Géronstère [2] :
« Le Tonnelet est à une petite demie lieüe en montant un peu vers l’orient, et une plaine assez estendüe et marescageuse, sans estre environnée d’aucun arbre à l’entour, sinon que à costé y a un bois assez beau et plaisant, où les dames se vont pourmener et reposer sur l’herbe verte. Elle prend son nom à cause qu’elle est comprise dans un grand vaisseau de bois en forme de tonne. Son eau est la plus claire et argentine de toutes et la plus fresche aussy en esté. C’est celle oÙ l’on void avec grand plaisir les bouillons argentez sourdre de son fonds et s’eslever en haut comme goutes de vif argent. Cela se faict de moment en moment et en assez grande quantité à la fois. Ceste fontaine n’est pas aussy tant hantée, de sorte que les malades ne boivent ordinairement que de Pouhon et de Savinière. »
Une gravure datant du milieu du XVIlès. montre qu’on avait construit pour protéger la source un bâtiment orné de deux colonnes.
D’après une notice due à A.Body, conservée dans la farde 227, cette fontaine vivement préconisée comme vermifuge jouit alors d’une vogue assez grande. Cependant celle-ci faiblit ensuite et il semble que l’édifice qui l’abritait se délabra car en 1734, l’auteur des amusemens des eaux de Spa écrit que la fontaine est enfermée sous une niche carrée qui paraît avoir été assez jolie autrefois mais qui ne montre plus que des ruines.
La source qui sort du fond d’un bassin en forme de tonneau jette des bouillons aussi gros que le bras et son eau est très froide. Comme on ne la fréquente guère, il n’y a aucun bâtiment où l’on puisse se mettre à l’abri dans les mauvais temps, à moins que l’on n’aille à un petit hameau voisin nommé Nivezé, où il y a aussi une fontaine minérale. La fraîcheur de cette eau et son petit goût minéral font que quantité de personnes qui viennent à Spa n’en boivent pas d’autre avec la vin. La terre de la plaine proche de la fontaine est « mollasse et tremblante comme du fromage mou et s’affaisse en plusieurs endroits sous le pied et il y a même certains endroits où il est dangereux de marcher.
Vers la milieu du XVIIIès., un médecin anglais du nom de Lucas, qui avait fait une étude approfondie des eaux d’Aix et de Spa, tenta de lui rendre son prestige, la présentant même comme supérieure à toutes les autres sources, opinion qui fut combattue par la médecin J.Ph. de Limbourg. En 1753,la communauté fit l’acquisition du Tonnelet et la mit au rang des fontaines publiques. Peu après, deux médecins étrangers Vivegnis et Maillard érigèrent dans son voisinage la premier établissement de bains convenable que Spa ait jamais possédé [note d’A. Body].
Dans ses Amusemens de Spa publiés en 1782, J.Ph. de Limbourg après avoir parlé de la fontaine où l’on voit deux bassins carrés sans ornement, un troisième séparé des deux premiers par un bâtiment, ces bassins étant surmontés d’une petite niche couverte d’une pierre plate qui sert d’ornement, écrit que la décharge des eaux du Tonnelet fournit abondamment de l’eau à un très grand réservoir destiné à prendre des bains froids, mais qu’on trouve aussi des bains fort propres de divers degrés de température, d’immersion et de douche.
Nous apprenons par un article très détaillé de M. le Dr A. Henrard, consacré aux Bains du Tonnelet [Hist. et Arch. Spadoises sept. 1979] qu’en 1773, le pharmacien Briart avait construit un établissement de bains contigu à la source du Tonnelet. La piscine de plein air était alimentée par une source découverte dans une prairie voisine et distincte de l’ancienne source et du « petit Tonnelet » [3]
En 1775 , Briart avait obtenu que ses bains jouissent de la protection du Prince- Evêque.En août 1780, 60 seigneurs et 23 dames faisant usage des bains du Tonnelet adressèrent une supplique au Prince évêque, la priant d’ordonner au Magistrat de Spa de faire élargir et améliorer la chemin conduisant au Tonnelet et de faire construire un pont propre pour les carrosses sur le » torrent de Watroz » [la ruisseau venant de la Sauvenière]. Après chaque nom on voit la lettre C. F. ou T. indiquant l’utilisation de bains froids , chauds ou tempérés. On peut noter qu’à deux exceptions près, les dames ne font usage que de bains chauds [4].
En 1796, Briart soigna une centaine de soldats français hospitalisés au Waux-Hall.
En 1815 , les bains du Tonnelet étaient encore assez fréquentés mais leur éloignement leur nuisait et dès qu’on eut créé un établissement des bains à Spa, ils furent négligés.
En 1838, un rapport de Gérard Nizet , charpentier et Hubert Salée maçon atteste que le monument des fontaines du Tonnelet est entièrement éboulé et anéanti ». Le devis de la construction d’une petite habitation servant à loger la fermière de la fontaine et une place pour abriter et chauffer les étrangers est estimé à 4.372 Frs.
Une photographie reproduite sur la carte de membre de l’association Histoire et Archéologie Spadoise représente la bâtiment édifié en 1841 et consistant en un pavillon carré à arcades.
En 1883 , les architectes L.J. Devivier et W.Hansen établirent les plans de bâtiments nouveaux.
L’entrepreneur Denis Paes en obtint l’adjudication pour la prix de 11.942Fr44.
Pour la captage de la source, on avait fait appel aux puisatiers Schwartz et Henri [5]. Le devis mentionne également la construction d’une grotte artificielle au pavillon de la source.
Le bâtiment achevé en juillet 1894 et qui subsiste encore aujourd’hui comporte un restaurant et plusieurs rotondes vitrées dont l’une abrite la source.
Au temps où les fiacres faisaient la Tour des Fontaines, le Tonnelet était la premier arrêt avant les sources de la Sauvenière, de la Géronstère et de Barisart.
Léon Marquet
[1] op.cit. t.II P.193 de la réédition publiée en 1975 par les Editions Culture et Civilisation.
[2] p.176-177.
[3] D’après A. Body, des deux Tonnelets distincts seulement de quelques mètres , l’un disparut par le forage de la source Marie-Henriette fait en 1865. Le griffon principal fut capté par les soins de M. Legros inspecteur des travaux de la Ville [farde 227]
[4] Original dans la farde 206 de la Bibliot. A. Body.
[5] farde 401.