Des promeneurs nous ont demandé ce que signifiaient les petits panneaux apposés sur des arbres morts et représentant un pic. Nous avons demandé à Franck Renard, agent des Eaux et Forêts à Spa de nous éclairer. Il nous a fourni des explications très intéressantes. Lisez plutôt ( Jean-Marc Monville):
Lorsqu’un arbre vient à mourir pour quelque raison que ce soit, il est souvent considéré comme devenu » inutile « . Il n’est plus ni productif, ni décoratif, il n’est plus rien. En apparence seulement, parce que même mort, l’arbre vit.
La fin d’un règne
Les arbres font partie intégrante de nos paysages, en ville comme à la campagne et à fortiori en forêt, les arbres sont par excellence les éléments constitutifs du paysage. Le plus souvent, ils ont été plantés par l’homme. Par souci de rentabilité dans les grands massifs forestiers, pour procurer un abri au berger ou au bétail dans les campagnes, ou simplement pour le plaisir dans un jardin ou dans un parc. L’arbre, s’il a de la chance, peut vivre vieux, très vieux. Plusieurs centaines d’années parfois. Durant ces longues années, l’arbre aura procuré de la nourriture, de l’ombre, un abri, à de nombreux animaux et autres végétaux. Il aura contribué à la production d’oxygène, de pluie, il aura produit de l’humus, stabilisé le sol, limité les effets des averses sur les crues des rivières et bien d’autres choses encore. Les rôles de l’arbre isolé ou en forêt sont innombrables pour notre plus grand bonheur. Mais voilà qu’un jour l’arbre meurt. Pas du jour au lendemain, mais lentement, insidieusement, il dépérit puis s’éteint. Pourquoi? Les raisons sont nombreuses, le vent qui le brise ou l’envoie au sol, la foudre qui le frappe, la sécheresse, les chenilles voraces, la pollution de l’air ou de l’eau, ou tout simplement la vieillesse. La mort d’un arbre, c’est en quelque sorte la fin d’un règne. Mais aussi le début d’une nouvelle vie.
Les hôtes du bois mort
Après la défoliation, le bois se dessèche, l’écorce tombe, le pourrissement commence. Et bien, c’est alors que l’arbre connaît une agitation fébrile et devient un véritable hôtel pour une multitude d’organismes. Les champignons vont profiter de l’absence de mécanisme de défense du bois pour s’installer. Microscopiques ou bien visibles, les champignons vont lentement favoriser la dégradation du bois. De nombreux insectes et petits invertébrés vont également profiter de l’aubaine. Coléoptères, papillons, guêpes, vers et larves de toutes sortes jouent également un rôle important dans le recyclage de la matière organique. Toutes ces » protéines » vivantes vont à leur tour attirer les oiseaux insectivores pour qui, même en hiver, un arbre mort constitue un véritable garde-manger.
Le pic épeiche (ou noir), par exemple, ne manquera pas d’y creuser une cavité, soit pour y nicher, soit pour y chercher plus profondément sa nourriture. Le pic pourra occuper cette cavité durant plusieurs années. Parfois en alternance avec la sittelle torchepot qui adaptera la taille du trou d’entrée avec de la boue. Les mésanges profiteront aussi de ces cavités, le torcol fourmilier, le moineau friquet et bien d’autres apprécieront l’aubaine. La cavité, sous l’effet du temps, risque fort de se dégrader, de s’agrandir, de se fissurer. Elle devient alors le refuge idéal pour la chouette hulotte ou le pigeon colombin. Mais les oiseaux ne sont pas les seuls à apprécier les cavités. La martre, mustéllidé discret de nos forêts, cousine de la fouine et de l’hermine, sera la locataire potentielle d’une cavité forestière pour y élever sa nichée ou simplement s’y reposer. Enfin, les chauves-souris sont également fort intéressées par ces habitats naturels, pour hiberner, ou pour y constituer une maternité dans laquelle adultes et jeunes seront en sécurité, pour autant que l’arbre ne soit pas…coupé.
Conservation
La conservation des arbres morts en forêt était, encore il y a peu, considérée comme une négligence. Un arbre mort cela fait désordre. De fait, les arbres morts ne faisaient pas long feu et finissaient rapidement au feu. Lentement, les mentalités évoluent et par endroits, des arbres morts sont conservés en vue de favoriser les organismes vivants du bois mort et ainsi la biodiversité. Bien entendu, cela n’est pas possible partout et pour tous les arbres. Des impératifs sanitaires, pour éviter des invasions d’insectes destructeurs comme les scolytes, doivent être pris en compte. Ainsi que des impératifs de sécurité, pas question de laisser sur pied un arbre mort qui menace de s’écrouler sur une route ou dans un parc très fréquenté. La conservation des arbres morts ou dépérissant concernera surtout les espèces d’intérêt économique secondaire comme les bouleaux, mais également certains arbres à bois dur surâgés, mal conformés ou brisés par un coup de vent.
L’évolution vers la conservation des arbres morts ne se fera pas du jour au lendemain, mais elle fait désormais partie intégrante des moyens mis en oeuvre pour préserver et augmenter la biodiversité. Dans cette optique, le service de la Conservation de la Nature du Ministère de la région Wallonne a mis au point une petite plaquette destinée à être appliquée sur les arbres morts par le service forestier. Cette plaquette représentant un pic noir stylisé permettra ainsi de matérialiser aux yeux du public la conservation volontaire d’un ou deux arbres à l’hectare dans les forêts soumises au régime forestier. L’arbre mort vous apparaîtra ainsi peut-être sous un jour nouveau et pourra certainement être considéré non plus comme un arbre mort, mais comme un arbre de vie!
Franck Renard