Ces derniers temps, on a beaucoup parlé de la relance du thermalisme. J’ai pensé qu’il serait intéressant de retracer en quelques lignes les principaux « centres thermaux » qui ont existé à Spa.
Déjà au XIIIème siècle, les curistes en villégiature à Spa pouvaient profiter de « l’usage externe des eaux » ç-à-d des bains. Ce n’est autre que le Docteur Jean-Philippe de Limbourg, l’auteur des biens connus « Amusemens de Spa » qui poussa à l’instauration des bains à Spa. A cet effet, deux baignoires en pierre avaient été installées à l’hôtel Waldeck. Cet hôtel se trouvait au début de la rue Sauvenière aux environs de l’actuelle « Cascade Monumentale » et de la rue du biez du Moulin. A côté de l’hôtel de Waldeck, le moulin banal existait encore à cette époque. Pour se diriger vers la Sauvenière, il fallait contourner le moulin en passant devant l’église (un peu comme aujourd’hui avec l’interdiction de passage devant les Arcades). C’est pour établir une liaison directe entre le centre de Spa et la Sauvenière que le moulin fut démoli en 1854 (non sans contestations).
Mais revenons aux bains : les deux baignoires de l’hôtel de Waldeck étaient alimentées par l’eau de la Picherotte (le ruisseau venant du Gué des Artistes) qui était amenée jusqu’aux roues du Moulin. Une grosse rigole en pierre de taille passait juste au-dessus de l’entrée du Waldeck (aussi, l’eau qui gouttait par les joints mouillait les curistes avant d’entrer). En amont, ce bief servait aux lavandières, éplucheuses de légumes et garçons boucher. Quelle dut être la panique, d’un baigneur qui trouva un jour dans son bain, ce qu’il pensait être un serpent. En réalité, il s’agissait d’un boyau qu’un garçon boucher avait malencontreusement lâché, malgré la défense, pendant la saison des eaux, d’utiliser l’eau du bief entre 9 heures du matin et 4 heures de l’après-midi.
D’autres bains avaient été installés au Tonnelet où ils recevaient directement l’eau de la Source.
En 1827, à l’endroit où se trouve aujourd’hui le parking de la place du Marché, fut établi un nouvel établissement balnéaire (plus tard hôtel de ville). Cet établissement était très luxueux. Il comprenait une entrée avec un péristyle décoré de colonnes en marbre, deux salons meublés, des salles de bains avec de beaux corridors, des fleurs, des arbustes, un jet d’eau …
Il y avait juste un problème : vu que cet établissement se trouvait plus haut que le Pouhon, il était difficile d’y amener l’eau. C’est ce qui poussa les autorités à construire en 1840, un nouvel établissement à l’endroit des Petits-Jeux (actuel Office du tourisme). Le style disgracieux et la mauvaise infrastructure conduiront, une fois de plus, les autorités locales à concevoir un nouveau projet de centre thermal à Spa. Pourtant vers 1860, on y donnait plus de 6000 bains par an. Après beaucoup de projets refusés, on opta en 1862 pour la construction de l’actuel bâtiment des » Bains » à Spa. L’inauguration eut lieu quatre années plus tard et dès la première année, on y donna plus de 22000 bains. Le bâtiment fut amélioré et agrandi en 1905,1914 et 1932. On y donnait toutes sortes de bains : des bains carbo-gazeux naturels, des bains de boue et même des bains d’eau de la Reine à laquelle on avait incorporé des émanations de radium (métal extrêmement radioactif, découvert en 1896 par Pierre et Marie Curie).Notons que ce dernier type de bain montre l’ignorance à l’époque, quant au danger que représentait le rayonnement radioactif. Une pareille pratique serait totalement impensable aujourd’hui.
En 2000, pour diverses raisons, on va donc à nouveau délaisser les « anciens » bains pour la construction de nouveaux thermes, cette fois, sur la colline d’Annette et Lubin. Le projet très ambitieux mise sur 180000 curistes par an, soit 500 par jour. Les promoteurs pensent que ce projet sera le moteur de la relance économique à Spa. Notons que tous les Spadois n’en sont pas encore convaincus. L’avenir nous dira qui avait raison. Espérons seulement que l’actuel bâtiment des bains connaisse un meilleur sort que ses ancêtres (l’hôtel de Waldeck, l’ancien hôtel de ville et l’établissement Place Royale, tous ont disparu…) et ne devienne un jour une ruine.