Mentionnée pour la première fois en 1559, la source du Tonnelet fut d’abord connue sous le nom de « Frayneuse ». Située à l’entrée du village de Nivezé en venant de Spa, elle commença à être fréquentée au début du 17e siècle et subit au fil du temps des fortunes diverses. Au milieu du siècle suivant, un médecin anglais, dénommé Lucas, tenta de lui rendre son prestige ; d’après lui, les eaux de la source avaient des qualités supérieures à toutes les autres sources. C’est à cette époque aussi, plus précisément en 1753, que la source fut acquise par la commune et devint ainsi une fontaine publique.

Selon l’historien spadois Albin Body, en 1760, deux médecins étrangers, Maillard et Vivegnis, érigèrent dans le voisinage de la source du Tonnelet, et alimenté par celle-ci, le premier établissement de bains spadois digne de ce nom. En 1773, le pharmacien spadois J.F. Briart affirma avoir construit un établissement thermal contigu à la source du Tonnelet ; en réalité, il reprit et améliora considérablement l’établissement précité.

Vue des bains et fontaines du Tonnelet vers 1780 (Dessin d’Antoine Leloup)
Vue des bains et fontaines du Tonnelet vers 1780 (Dessin d’Antoine Leloup)

En voici une description d’après ses écrits. L’établissement était situé sur un terrain jouxtant la prairie où sourdaient les deux griffons du Tonnelet. L’eau minérale parvenait aux baignoires via des canalisations souterraines. Plusieurs types de bains étaient proposés. Le bain minéral froid à l’eau courante, continuellement renouvelé et refroidi par l‘eau des deux sources. Le bain minéral chaud, c’est à dire un mélange d’eau minérale fraîche avec une certaine quantité de même eau chauffée dans un « alembic » inventé par le pharmacien. Le bain chaud aromatisé, mais notre apothicaire ne divulgue pas les aromates utilisés. Le bain vapeur simple ou aromatique, ce bain pouvait être libre ou « avec emboîtement » (le curiste était enfermé jusqu’au cou dans une enceinte fermée contenant la vapeur). Le bain de la douche, il s’agissait d’une douche foulante. Le bain sec, s’agissait-il d’un bain de gaz carbonique sec ? Briart n’explique pas !  Le bain de plein air, dans un bassin implanté au bout du jardin ; l’alimentation en eau minérale de ce bassin était assurée par une troisième source située dans une prairie avoisinante. L’électricité, sur ce sujet le pharmacien est peut loquace, il signale que son installation est sans danger !

Les fontaines et les bains du Tonnelet vers 1780 (Eau-forte – par Henri-Joseph Godin)
Les fontaines et les bains du Tonnelet vers 1780 (Eau-forte – par Henri-Joseph Godin)

En 1775, Briart avait obtenu pour ses bains la protection du Prince-Evêque de Liège. Ils connurent, semble-t-il, un succès considérable et furent fréquentés par les « Bobelins » les plus illustres. En 1780, le Prince- Evêque avait reçu une supplique des curistes lui demandant d’ordonner l’élargissement et l’amélioration du chemin conduisant au Tonnelet et de faire construire un pont pour les carrosses sur « le torrent de Watroz » (le ruisseau de la Sauvenière). Durant la période française, en 1796, les bains du Tonnelet furent utilisés par des centaines de soldats français, malades, hospitalisés au Waux-Hall. Ils trouvèrent dans les bains du pharmacien spadois un soulagement à leurs maux et à leurs fatigues. En 1815, les bains nivezétois étaient encore assez fréquentés ; toutefois, la période trouble qui suivit la Révolution française et l’éloignement de l’établissement par rapport au centre de la cité spadoise firent en sorte qu’au fil du temps il fut peu à peu négligé et ne survécut que peu de temps au premier établissement de bains public construit à Spa en 1828. Il semblerait qu’en 1840, les bains nivezétois ne fonctionnaient plus !

Peinture réalisée sur le couvercle d’un coffret en bois de Spa. A droite, le bâtiment édifié en 1841 abritant la source du Tonnelet. Au centre et à gauche les bâtiments de l’Hôtel des Bains du Tonnelet construit sur les anciens bains Briart.
Peinture réalisée sur le couvercle d’un coffret en bois de Spa. A droite, le bâtiment édifié en 1841 abritant la source du Tonnelet. Au centre et à gauche les bâtiments de l’Hôtel des Bains du Tonnelet construit sur les anciens bains Briart.

Vers 1845, le comte Valéry de Rottermund, un émigré fortuné, né en 1808 à Postomyty en Pologne, acheta les bains Briart ainsi que plusieurs dizaines d’hectares de terrains avoisinants ; il transforma l’établissement thermal et le dénomma semble-t-il « Hôtel des Bains du Tonnelet ». Ce domaine était à l’époque désigné au cadastre « Maisons de Bains ».

En 1856, Edmond Joseph Adolphe Simonis, un important industriel verviétois, acheta le domaine du comte de Rottermund et fit transformer l’Hôtel des Bains du Tonnelet en simple maison de résidence enseignée « Château de Nivezé ». Jusqu’à sa mort, le 6 novembre 1875, ce fut sa résidence ordinaire.

En 1896, la propriété est achetée par la famille Peltzer de Verviers  (voir l’article intitulé : Les châteaux Peltzer de Nivezé) et fut dénommée « Le Vieux Nivezé ». De nos jours, l’ancien site des bains du Tonnelet fait partie de l’actuel « Domaine de Nivezé » appartenant aux Mutualités Chrétiennes.

1900 : Carte postale : Château de Nivezé par la suite « Le Vieux Nivezé »
1900 : Carte postale : Château de Nivezé par la suite « Le Vieux Nivezé »

Jean Lecampinaire

Sources :

Les bains du Tonnelet (Dr André Henrard – H.A.S. -1979)

Spa-Ancien (Pierre Lafagne – Editions J’Ose – 1934)

Articles de Réalités : Le Tonnelet (Léon Marquet) et Les Thermes (Pierre Bray et ses élèves)

Les Eaux de Spa (Léon Maurice Crismer – Spa Monopole – 1989)