Si la Belgique est mondialement connue pour ses bières, la ville de Spa l’est pour ses eaux de sources. Durant les deux derniers siècles, quelques brasseries furent créées dans la cité thermale, mais elles n’ont guère laissé de traces, ni contribué à la célébrité de notre ville.

Le rapport du Conseil Municipal de la Commune de Spa, daté du 7 février 1827, nous apprend que, depuis bien des années, il n’existe dans notre commune qu’une brasserie active et qu’au moins les deux tiers des bières consommées dans la commune viennent de l’extérieur (Liège et Verviers). Cette brasserie spadoise appartient au brasseur BRIXHE, elle était située au 5 chaussée du Marteau (de nos jours avenue Reine Astrid). Combien de temps a-t-elle été active ?

C’est dans l’ancien vinâve du Marché que se trouvait la brasserie qui a été le plus longtemps en activité à Spa. En séance du 29 novembre 1840, le Collège des Bourgmestre et Echevins de la Ville de Spa autorise Hyppolite GROSFILS, brasseur habitant à Verviers, à établir une brasserie dans la cour de la maison enseignée « Hôtel du mouton blanc » située rue du Marché (de nos jours au n°62).

Le 21 janvier 1875, Denis BIFER (1806-1899), brasseur né à Lommersweiler en Prusse, rachète la brasserie GROSFILS. Son fils Jean Denis BIFER (1852-1920) puis son petit-fils Georges BIFER (1877-1935) maintiendront l’activité brassicole de l’entreprise familiale enseignée « Brasserie Jean BIFER » jusqu’en 1924 ou 1925, date à laquelle Georges BIFER sera victime d’un accident. Plusieurs bières y seront produites : « Bière de table », « Pilsen », « Extra Saison », « Bock », « Brune à la demande ». L’eau servant à la préparation des bières BIFER provenait de la source dite « du Pré » qui se trouvait dans un terrain situé route du Lac au lieu-dit « Pré de 4 heures » (derrière ce qui fut La Vieille France). Jean BIFER (1908-1983), le fils de Georges BIFER, exploita durant plusieurs années, au même

endroit rue du Marché, un dépôt de bières et de limonades. L’infrastructure brassicole de la rue du Marché fut détruite en 1965 sauf la glacière qui le sera vers 2017. La glacière de la Brasserie BIFER fut construite d’après les plans dressés en 1896 par P. FUNCK de Luxembourg. La glace stockée à l’étage supérieur de la construction servait à refroidir l’air envoyé vers l’étage inférieur où se situaient les cuves.

Une autre brasserie vit le jour en 1887. Cette année-là, en séance du 14 mai, le Collège des Bourgmestre et Echevins de la Ville de Spa autorise le sieur Félix MARECHAL, brasseur à Spa, à établir une brasserie à 2 chaudières à feu nu pour produire de 30 à 40 hectolitres de bière par semaine sur une parcelle de terrain cadastrée n°478b, sise au lieu-dit « Warchisy » non loin du chemin de Creppe à Spa. A une date non connue, Désiré DALCQ (1840-1922) rachète la brasserie située non loin du chemin de Creppe à Spa devenu à cet endroit, depuis 1909, avenue Clémentine. L’immeuble où se trouvait la brasserie porte de nos jours les n°23-25-27 et possède encore ses caves voûtées. Le brasseur DALCQ était aidé dans sa tâche par Louis GERLAXHE (1873-1948). Pendant la 1ère Guerre, en 1916, les Allemands saisissent les cuivres, bronzes et laitons se trouvant sur le territoire occupé afin d’alimenter en matières premières leur industrie d’armement ; les cuves de la brasserie DALCQ sont donc confisquées et la brasserie cesse ses activités. La brasserie DALCQ proposait 2 bières : la « Saison Royale » et la « Bière de ménage ».

Après la 1ère Guerre, Louis GERLAXHE exploite au même endroit un dépôt de bières enseigné « Brasserie des Echesses », il met en bouteille une bière dénommée la « Bière Saison ». En 1929 ou 1930, Mathieu GONAY (1900-1971), le beau-fils de Louis GERLAXHE, reprend le dépôt de bières, continuant à mettre en bouteille durant plusieurs années. Par après, il propose les bières de la Brasserie Artois, puis cède le commerce à la famille SALMON-FOGUENNE.

Des collectionneurs, dont notre éditeur, possèdent des bouteilles en verre marquées : GONAY-GERLAXHE, Julien JASON, M. SERVAIS, … et des bouchons en porcelaine marqués : L. GERLAXHE, DALCQ, M. SERVAIS, Brasserie J. BIFER, Brasserie de l’Union J. JACOB, …

Certaines de ces appellations se rapportent à deux des trois brasseries déjà abordées aux paragraphes précédents. Les autres appellations se rapportent à d’autres brasseries spadoises ou bien à des marchands de bières spadois embouteillant des bières brassées dans ou hors du périmètre communal ? Les recherches ne m’ont pas permis de situer pour toutes leur emplacement, ni même de déterminer la durée de leur activité.
Marcel SERVAIS (1892-1958) était négociant en bières, son dépôt se situait rue de l’Abattoir (anciennement, maison de M. Grignard). Il mettait de la bière en bouteilles en partant de fûts de 100 litres. Il exerça cette activité jusqu’en 1933.

La «Brasserie de l’Union » d’Edouard JACQUEMAIN.Fils se situait au 4 de la rue Delhasse. Était-ce réellement une brasserie ou plutôt un dépôt de bières où ils embouteillaient ? La Brasserie de l’Union a été aussi la propriété du sieur J. JACOB. Était-ce avant la famille JACQUEMAIN ? Combien d’année cette brasserie a-t-elle été en activité ?

Concernant la bière brassée ou mise en bouteille par Julien JASON, aucune information n’a été trouvée quant à son implantation et à sa période d’activité.

En 1991, le liégeois Didier DUMALIN crée la bière « Bobeline ». Le nom, qu’il choisit, est un clin d’œil à sa commune d’adoption et aux Spadois qui autrefois utilisaient le surnom de « Bobelins » pour désigner les curistes. C’est la « Brasserie Huyghe » située à Melle près de Gand qui se charge de la fabrication. Au fil des années, plusieurs bières sont proposées : « la Triple », « la Black », « la Fraise », « l’Ambrée ». En août 2019, il installe, dans l’ancien pavillon des

Petits-Jeux, une microbrasserie afin de brasser la bière « Bobeline » à Spa. En réalité, seule la bière consommée dans le restaurant situé dans le pavillon le sera, la presque totalité de la production se fera à la brasserie « La Binchoise » dont le maitre-brasseur est en charge de la formation du brasseur spadois. En juillet 2020, un an seulement après son installation en plein cœur de Spa, la « Brasserie Bobeline » est rachetée par la « Brasserie Elfique » d’Aywaille. Les bières sont depuis lors brassées à Aywaille.

La seule brasserie spadoise actuellement en activité, c’est la « Brasserie SPARSA » de Nivezé. En 2015, trois jeunes (François DEKENS, Pierre MARECHAL et François GOFFART) décident de brasser leur propre bière, l’infrastructure est basique. L’année suivante, le 19 mai, après plusieurs essais concluants, les trois amis créent la « Brasserie SPARSA » au 22 de l’avenue Jean-Baptiste Romain, à côté du restaurant « Aux Campinaires ». Son nom « SPARSA » vient de « Sparsa Fontana » (fontaine jaillissante) qui pour certains est une des étymologies supposées du nom de la ville de Spa. La première bière brassée (70 litres par brassin) fut la « Sparsa Blonde » rebaptisée par la suite « l’Originale ». En 2018, une installation achetée d’occasion permet des brassins de 500 litres et la même année une nouvelle bière la « Sparsa Brune de Noël » est créée à l’occasion des fêtes de fin d’année. En 2019, trois nouveaux produits sont proposés : « la Sparsa Blanche » (la Céres), « la Gourmande » (brune dérivée de la cuvée de Noël) et « la Triple ». En 2021, deux nouveaux partenaires (José MARECHAL et Alexandre DAUVISTERE) rejoignent l’aventure. Actuellement, la brasserie nivezétoise propose 6 bières. Une nouvelle salle à brasser et une ligne d’embouteillage automatique sont en cours de montage afin d’accroître la production de la brasserie, la nouvelle installation devrait être opérationnelle dans le courant de cet été.

Fin 2021, pour fêter ses 20 ans, le comité de quartier du Waux-Hall fait réaliser, par la « Brasserie BrewLab » de Verviers, une bière blonde dénommé « La Waux-Hall ». Début mai de cette année, pour la fête du quartier, un second brassin a été exécuté.

Jean Lecampinaire

Sources : Les brasseries spadoises (H.A.S. – J.M. de Brito et R. Freyens – 1987) / A propos de la brasserie Dalcq (Réalités – G. Gonay et J. Henrard -1997) / Une bouteille de bière de marque « Servais » (Réalités – Anonyme – 1997) / Spa pendant la Guerre 1914-1918 (Ad. Com. De Spa – J. Macquet – 1919) / Registre des Arrêtés de l’Administration communale de Spa – Années 1840 et 1887 (Fonds Body) / Registre des délibérations de la Commune de Spa – Année 1827 (Fonds Body) / Almanach du commerce de Liège, Verviers, Huy et Spa en 1827 (Fonds Body) / Le patrimoine de Spa (I.P.W. – V. Krins – 2009)