A proximité de Nivezé, distant de 3 kilomètres environ de Spa, se trouvent plusieurs sources ferrugineuses, notamment le Tonnelet, le Watroz, la source Marie-Henriette alimentant l’Etablissement des Bains construit en 1868, et la source Wellington. Mais on constate aussi sur ce territoire un phénomène remarquable auquel l’hydrologue et médecin le Dr Achille Poskin, à qui on doit le captage de la source Wellington en 1908, a consacré une brochure intitulée Les « trous au mauvais air » de Nivezé (Spa). Notice sur les sources naturelles d’acide carbonique [Bruxelles, 1887].
Sur une grande partie du sol se produit un dégagement de gaz carbonique, principalement dans une bande de terrain large d’environ 800 mètres se dirigeant du S.S.E. au N.N.E.
« Li mâle air », comme l’appellent les habitants du lieu, est craint à juste titre, et, autrefois, des maisons ont dû être démolies, des puits ont dû être remblayés. Dans certaines caves, il y a un matelas de gaz d’une certaine épaisseur au niveau du sol, de sorte qu’une bougie s’y éteint, ou brûle à peine.
Déjà en 1818, dans son Guide des curieux qui visitent Spa, J.L. Dethier signalait que « les caves de quelques maisons près du Tonnelet, en certain temps de l’année, se remplissent d’un air méphitique mortel pour les petits quadrupèdes qui y rôdent » ajoutant « c’est probablement de l’acide carbonique ».
D’après le Dr Poskin, les points où se fait ce dégagement de gaz sont au nombre de huit, notamment dans un terrain à gauche de la route, presque à l’intersection des routes de Nivezé à Wayai et de Nivezé à la route de Sart par Tiège, où le dégagement de gaz est continuel et s’entend à distance. Quand la terre est humide, le gaz produit un crépitement en traversant cette mince couche d’eau.
C’est principalement à cet endroit, où pas un brin d’herbe ne croît sur un espace d’un pied carré que les paysans ont donné le nom de « trô mâle air ». La brochure donne la localisation des autres points où se produit un dégagement de gaz, notamment au Tonnelet où, autrefois, on constatait que des chiens accompagnant les étrangers à la buvette de la fontaine subissaient un début d’asphyxie (1).
Le Dr Poskin est descendu lui-même dans la buvette en bas du Tonnelet, et a noté les symptômes qu’il a éprouvés : accélération des pulsations (de 80 à 148), nombre de respirations accru (de 20 à 50) début d’asphyxie après 2 minutes et demi, sensation de picotement dans le nez et à la peau du visage et des mains, vertige et céphalalgie.
En ce qui concerne la « trou au mauvais air », le dégagement de gaz dépend des variations barométriques, et se fait plus abondamment en temps de pluie ou en temps orageux. Les habitants de Nivezé, écrit le Dr Poskin, n’ont pas de meilleur baromètre pour la prévision du temps. D’autre part, les pommes de terre déposées dans les caves où l’on trouve du gaz n’y germent jamais, et la viande s’y conserve quelque temps.
La recherche de l’explication de l’origine du gaz carbonique a amené la Dr Poskin à s’interroger sur celle des sources minérales de Spa et de l’Ardenne, dont il donne une liste assez complète.
Ces sources, conclut-il, sont en rapport avec la région volcanique de l’Eifel, où se trouvent également de nombreuses sources acides, ainsi d’ailleurs que dans la vallée de l’Ahr, où il y a également des dégagements d’acide carbonique et représentent la phase dernière de l’activité volcanique. La dernière partie de la brochure du Dr Poskin contient des considérations sur l’emploi thérapeutique du gaz carbonique et des boues minérales de Nivezé.
Dans le Bulletin de la Société belge de géologie, de paléontologie et d’hydrologie [T.II, Brux. 1888, p.400, le Dr Poskin écrit que le pharmacien spadois Guilleaume lui a signalé à la Géronstère un nouveau point de dégagement de gaz carbonique, dont la température était de 17 degrés. Ce dégagement, comme a pu le constater la Dr Poskin, se produit dans la glacière creusée dans le rocher sous les bâtiments servant à l’exploitation de la source; vers 1879, la nouveau fermier avait rentré 49 charretées de glace, et, en mai, en ouvrant la glacière il ne restait plus qu’un morceau de glace du poids d’environ deux kilos, ce qui évidemment eut pour conséquence qu’il ne se servit plus de la prétendue « glacière ».
Le Dr Poskin a constaté en octobre 1888 que la température de jet de gaz qui se faisait dans l’angle droit de la glacière au nord, était de 16°7. Dans cette cave, il constata de nombreux suintements d’eau minérale, et des dépôts de boue ocreuse.
Comme l’écrit le Dr Poskin, la haute température du jet gazeux démontre péremptoirement l’origine interne et volcanique du gaz carbonique.
L.Marquet
(1) Au Tonnelet, à cause du dégagement de gaz, on se servait naguère pour puiser l’eau minérale, d’un panier métallique contenant les verres, muni au milieu d’un bois de 2,50 mètres environ, mais, quand on puisait l’eau avec une cruches il fallait prendre soin de ne pas rester longtemps en bas.
On peut voir le même type de panier métallique sur une reproduction du dessinateur Mars. Ce dessin est extrait de la brochure « La vie à Spa ». Cet ouvrage a été Publié en 1905. Maurice de Bonvoisin, était verviétois, il est mieux connu sous le pseudonyme de Mars.