Je voudrais vous faire part ce mois de juillet d’une information du Ministère de la Région de Bruxelles-Capitale à l’attention des citoyens propriétaires.
«Quand il s’agit de monuments morts, il faut, dirons-nous, plutôt consolider que réparer, plutôt réparer que restaurer; quand il s’agit de monuments vivants, plutôt restaurer que refaire, plutôt refaire qu’embellir». Louis Cloquet – La restauration des Monuments anciens (1902)
Personne, en général, ne se pose la question de savoir si une œuvre d’art forme un tout, ou si elle résulte de la juxtaposition d’éléments séparés ayant chacun une valeur propre, indépendante de l’ensemble. La réponse est évidente : l’œuvre d’art forme un tout.
Cependant, lorsqu’il s’agit d’une façade reconnue pour sa valeur architecturale, il est parfois utile de spécifier que toutes ses composantes en font partie, en ce compris les châssis de fenêtre. La chose paraît évidente pour un bâtiment « art nouveau », moderniste ou cubiste. On accorde le même crédit à certains bâtiments art déco, dont l’architecture n’existe souvent que par la beauté spécifique de leurs châssis de fenêtres. En dehors de ces cas particuliers, pour tous les autres styles, les châssis de fenêtres sont en général considérés comme des accessoires, et non comme des maillons essentiels, indissociables de la composition d’ensemble. Les bâtiments de style classique, néo-classique, éclectique, mais aussi de style historicisant ont payé un tribut extrêmement lourd à cette conception erronée du patrimoine.
Les châssis classiques et néo-classiques sont en général semblables en apparence, et le profane assimile très souvent cette monotonie à un désintérêt des architectes classiques pour le dessin de leurs châssis, ou à la production de ceux-ci par des artisans routiniers. Rien n’est évidemment plus faux, et l’étude montre toujours une très grande adéquation entre le dessin des châssis et la composition de la façade. Faire le procès des architectes pour leur manque d’imagination dans le domaine équivaudrait à leur faire le même reproche dans l’interprétation qu’ils ont faite des ordres classiques…
Patrimoine et double vitrage
La hausse sévère du coût des produits pétroliers a conduit les Etats européens à mener dans les années septante une politique d’économie de l’énergie. Dans le domaine de la construction, les autorités ont très rapidement prôné l’isolation thermique des bâtiments, par la pose de doubles vitrages et de matériaux isolants. Le seul objectif défini par cette politique était de pouvoir maintenir, pour un coût réduit, une température élevée dans les locaux, l’ensemble des autres paramètres réglant le climat intérieur et le confort des occupants étant négligés, voire combattus.
Dans un certain nombre de cas, les nouveaux châssis à double vitrage ont rendu les services escomptés : dans nombre d’autres cas ils n’ont pas permis d’atteindre les économies promises et ont même modifié le climat des locaux au point de les rendre insalubres… Dans l’immense majorité des cas, le remplacement des châssis a conduit à l’enlaidissement du patrimoine ancien, mais aussi à une perte de savoir et de savoir-faire des industriels et des artisans menuisiers : seuls comptaient en effet le facteur d’isolation et l’économie à court terme, reléguant aux oubliettes la beauté et la durabilité des ouvrages. Dans ce domaine, aucun effort ne devait être fait puisque les primes étaient officiellement accordées pour remplacer par des oscillo-battants en plastique, des châssis même en chêne, même en bon état, même remarquablement dessinés, etc… Il y eut des réticences, mais tous les moyens ont été bons aux producteurs de châssis peu scrupuleux pour masquer leur incompétence, comme par exemple coller les petits bois sur le double vitrage, ou les placer à l’intérieur du double vitrage, ou encore les rendre « ouvrants » pour faciliter l’entretien !
La laideur et la lourdeur des châssis modernes sont immédiatement perceptibles, mais ils peuvent présenter d’autres défauts qui risquent de se manifester parfois plusieurs années après leur pose, si ils ont entraîné une modification du climat intérieur. Le phénomène demande une explication et repose sur le mécanisme suivant :
L’activité humaine abritée par les immeubles produit de la vapeur en quantité généralement insoupçonnée.
La vapeur est générée par :
– la transpiration des occupants et des plantes d’intérieur;
– la cuisine et la lessive;
– l’utilisation de la salle de bain;
– les nettoyages des soles et murs à l’eau;
– les humidificateurs.
Cette vapeur est évacuée par la ventilation naturelle des locaux et la condensation sur les parois froides.
Anciennement, la ventilation était assurée par les cheminées des systèmes de chauffage par poêles individuels installés dans les pièces de séjour. La perméabilité des châssis de fenêtres et des portes assurait le complément. La vapeur d’eau excédentaire se déposait sur la paroi froide que constituait la vitre simple des fenêtres et était évacuée par la gouttière des châssis.
Aujourd’hui, le chauffage central n’assure plus aucune ventilation, sinon celle du local de la chaufferie. Lorsqu’elles existent, les cheminées dans les pièces sont condamnées. Les châssis de fenêtres, à triple batée, sont étanches au vent. Le double vitrage assure une bonne isolation thermique et ne favorise pas la condensation de la vapeur d’eau excédentaire. Tout ceci n’a guère de conséquence dans un bâtiment moderne, dont les murs extérieurs sont isolés thermiquement.
La condamnation des cheminées et la pose de châssis étanches au vent et équipés de doubles vitrages peuvent avoir des conséquences graves pour un bâtiment ancien, dont les murs extérieurs ne sont pas isolés. La vapeur d’eau excédentaire, abondante, n’étant plus évacuée ni par la ventilation naturelle, ni par la condensation sur les vitrages simples, peut en migrant à travers les murs, se condenser dans ceux-ci, si la température y tombe en dessous du point de rosée. La vapeur en excès peut s’y condenser et dès lors diminuer les performances isolantes du mur, et de ce fait accroître les condensations au sein de la paroi. Si un tel mécanisme s’installe, le mur se saturera rapidement d’humidité avec les inconvénients que cela comporte (perte d’isolation thermique, micro-organisme indésirable, installation des conditions favorables au développement d’asthme et de maladies allergiques…)
Il faut donc être prudent avant de proposer la pose de double vitrage dans les fenêtres d’un local dont les murs extérieurs ne sont pas isolés thermiquement. En conclusion, il faut donc garder à l’esprit que le remplacement de fenêtres anciennes par des châssis modernes équipés de double vitrage coûte toujours très cher comparé à la restauration des châssis en place;
– porte toujours atteinte à la valeur patrimoniale des bâtiments anciens;
– ne permet pas toujours de faire les économies escomptées;
– peut entraîner des désordres graves dans les bâtiments concernés.
Après avoir lu ce document d’André Loits ingénieur-principal, édité par le Ministère à l’attention des citoyens de la Région de Bruxelles Capitale, afin de sensibiliser et d’informer les propriétaires de maisons de caractère ou non, nous devons comprendre, nous Spadois, que nous pouvons être en avance sur notre temps – quelle chance unique – comprendre que Bruxelles a eu cette prise de conscience après avoir laissé anéantir des maisons, des îlots, des quartiers au détriment d’un bien-être important pour l’équilibre de chacun. Il a fallu que soit abattue la maison du Peuple de Victor Horta en mai 1965 pour que des gens de ce même Peuple montent au créneau et crient leur indignation face à ce désastre culturel. Si notre ville a bâti son nom avec ses sources et si l’on y investit des millions d’Euros pour relancer la source du Thermalisme qui s’était un peu appauvrie, nous devons garder présent à l’esprit le fait que la source de notre Patrimoine Culturel en faisait partie, elle aussi, et que l’une ne va pas sans l’autre…
A méditer bien en profondeur… Attention à la noyade !
Un Artisan spadois
Paul MORDAN – Article déjà paru : L’amour du travail bien fait : rencontre avec un artisan soucieux du patrimoine
N’est-ce pas là encore une raison de plus pour nommer au plus vite un Monsieur Patrimoine ?
En France les verrières ont encore de beaux jours devant elles (du moins espérons-le !). En région parisienne, nous essayons de conserver tout le charme des verrières d’origines afin de continuer le travail qui a été réalisé il y a plus d’une centaine d’années . Merci d’avoir partagé ces informations, en espérant que le savoir-faire des anciens soit respecté.