Il faut attendre le 10e siècle pour que le « Marquisat de Franchimont » s’ouvre aux bûcherons, aux mineurs et aux paysans ; c’est donc à partir de cette époque que la région va être colonisée et que vont s’implanter progressivement de nouveaux villages et hameaux.
A la fin du 13e siècle, l’industrie du fer, en plein essor, gagne petit à petit les rives de la Hoëgne. Fourneaux, forges, fonderies et platineries s’installent le long de la rivière, de Solwaster à Polleur. Fin du 15e siècle, dix-sept établissements y seront dénombrés. Pour activer ceux-ci, on utilisait du charbon de bois … on peut donc supposer qu’au sein de la forêt, dans une clairière défrichée, des charbonniers construisirent leurs cabanes … c’est là vraisemblablement l’origine de Solwaster. Pour certains, le nom du village viendrait d’un « ster » (terrain à l’origine inculte) dans lequel on cultivait le seigle (en wallon « wassin »). Pour d’autres, le nom serait d’origine germanique, en allemand « wasser » signifie eau. Pour d’autres encore, « Solwa » serait un nom de famille, comme Pepinster, Jehanster, … !
Au 17e siècle, lorsque les makas se sont tus, les Solwasterois se sont tournés principalement vers l’agriculture céréalière (seigle, avoine, pomme de terre, épeautre), l’élevage et l’exploitation de la fagne (en particulier de la tourbe) ; au fil du temps, les cabanes des charbonniers se transformeront en petites fermes Un siècle plus tôt, en avril 1550, les habitants de Solwaster avaient reçu l’autorisation de former une herde (lu hiède) commune. Le troupeau, placé sous la responsabilité du herdier (hièrdî), sillonnait les biens communaux, cette pratique cessa vers le milieu du 19e siècle.
En septembre 1818, un incendie détruisit vingt-neuf maisons de la localité. Dans son ouvrage intitulé « Dictionnaire géographique de la province de Liège », publié en 1841, Henri Del Vaux de Fouron nous apprend : qu’il y avait septante maisons à Solwaster ; que les maisons étaient construites partie en pierre, partie en bois, couvertes de paille, plusieurs d’ardoises ; que l’on y trouvait du schiste ardoise et de l’ampélite alumineux.
Au fil du temps, les anciennes cultures (seigle et avoine) ont disparu ; les agriculteurs solwasterois se sont alors dirigés vers la culture herbagère liée à l’élevage des vaches laitières. Au milieu du 19e siècle, Solwaster comptait autant de fermes que de maisons. Ici aussi, les fermiers se mutualiseront en créant au début du 20e siècle la « Laiterie Coopérative Saint Antoine » gérée par Henri Boudron. Quelques années plus tard, l’individualisme de certains gros éleveurs aboutira à une scission au sein de la coopérative afin d’en fonder une seconde, située quelques centaines de mètres plus loin : la « Laiterie Coopérative de la Hoëgne ». Elles ont cessé toutes deux leur activité quelques années après la Seconde Guerre.
Dans son étude relative à la commune de Sart, réalisée au début du 20e siècle, François Michoël nous indique qu’à l’époque : le village de Solwaster (en wallon Solwâstèr) comptait 88 maisons ; le minuscule hameau de Parfondbois (en wallon Parfôbwès), niché au confluent de la Hoëgne et de la Statte, possédait 3 maisons ; celui de Chafour (en wallon Tchafor) 3 maisons et celui de Xhavée (en wallon l’havèe), proche du dolmen, deux maisons. L’électricité fit son apparition au village après la Grande Guerre et vers 1928, les habitations furent raccordées à la conduite d’eau.
Les habitants du village sont appelés les « Lopets ». Ce surnom viendrait d’un déserteur des armées espagnoles nommé Lopez qui serait venu s’installer à Solwaster, et qui y aurait fait souche et fortune. Un jour, notre soldat aurait eu la nostalgie et serait retourné dans son pays abandonnant sa nouvelle famille qui devint la risée des habitants, à qui le sobriquet est resté.
L’agriculteur solwasterois, Pierre-Lambert-Joseph Laurent, a été bourgmestre de la commune de Sart-lez-Spa durant un quart de siècle (de 1908 à 1933).
Tous les chemins du village mènent à la fagne ou à la forêt. Seule la route principale, qui traverse le centre de la localité, conduit à Sart ou à Jalhay. Peu fréquentée, la partie allant à Jalhay ne fut complètement asphaltée qu’en 1977. De nos jours, Solwaster est devenu essentiellement résidentiel, il reste quatre fermes en activité. Une fromagerie, une brasserie-restaurant, un garage et plusieurs artisans complètent le tissu économique du village.
La paroisse
En 1719, les Lopets érigent une chapelle dédiée à Saint-Antoine de Padoue, elle se situait au centre de la place actuelle. Consacrée en 1757, elle est alors desservie par le vicaire de Sart. La chapelle devient église paroissiale en juillet 1842, lors de l’instauration de la paroisse de Solwaster. Devenue trop petite pour accueillir tous les fidèles, elle fait place à une nouvelle église dont la 1ère pierre fut bénie en avril 1844 ; l’édifice fut consacré le 25 septembre de l’année suivante. Quarante années plus tard, une sacristie y est ajoutée. En 1896, l’église de Solwaster subit de profondes transformations : agrandissement de la nef et du chœur, nouvelle tour avec baptistère. Au milieu des années soixante, le presbytère est restauré ; puis en 1972 et en 1999, l’intérieur de l’église est rénové. Depuis 2008, suite à la fusion de plusieurs fabriques d’églises, l’église de Solwaster est redevenue une « chapelle » dépendant de la Paroisse Saint Lambert de Sart-Jalhay.
Noms des desservants :
De 1757 (date de sa consécration) jusqu’en 1842 (date de l’instauration de la paroisse), la chapelle de Solwaster fut desservie par le vicaire de la paroisse de Sart de laquelle elle dépendait. François Moxhet fut le 1er vicaire (de 1757 à 1770) ; il fut suivi par dix autres vicaires avant l’arrivée du 1er curé en 1842.
Deschamps (le 1er curé, il officia en 1842),
Godefroid Montfort de 1843 à 1854,
Théodore Hubin de 1855 à 1860,
Jean-Baptiste Mairlot de 1860 à 1872,
H.J. Lespagnard de 1872 à 1877,
G. Bierings de 1877 à 1879,
.. Bourgeaux de 1879 à 1882,
J.F. Franssen de 1882 à 1888,
Edouard Behr de 1888 à 1907,
Eugène Valentin de 1907 à 1933,
R. Nolden de 1933 à 1938,
Louis Georges de 1939 à 1966,
Raymond Nihan de 1967 à 1969,
Antoine Xhrouet de 1969 à 1971,
Lucien Durieux de 1971 à 1984,
Guillaume Havron de 1984 à 1994,
André Lieutenant depuis 1994 (également curé de Sart, Jalhay, Tiège, Surister et Nivezé).
L’école
En 1815, l’école de Solwaster était tenue par le chapelain ; la classe se faisait dans une salle du presbytère. En 1844, la commune ouvrit une école possédant une classe et un logement pour l’instituteur. En 1907, il y eut 51 élèves, c’est paraît-il, l’effectif le plus élévé. La population scolaire en 1922 était de 20 garçons et 17 filles. En 1976, il ne restait que 24 enfants sur les bancs de l’école. Au milieu des années quatre-vingts, une classe maternelle fut ouverte, elle occupa momentanément l’ancien café Bayer et une autre habitation. En 1988, le local pour les maternelles, situé dans la cour de l’école, est inauguré. En 2011, des travaux sont entrepris dans l’ancien presbytère afin de moderniser le bâtiment qui deviendra la nouvelle école du village ; l’ancienne école, trop vétuste, sera désaffectée. Fin août 2012, la « nouvelle école» solwasteroise est inaugurée. Cette année 52 élèves fréquentent l’établissement (31 en primaire et 21 en maternelle).
Liste des instituteurs et institutrices :
J.P. Crabus de 1844 à 1868,
E. Calembert de 1868 à 1877,
J. Deru de 1877 à 1879,
Henri-Joseph Fonck de 1879 à 1923,
Pol Blandiaux de 1923 à 1958,
Jean Filot de 1959 à 1990,
Marie-Christine Dourcy-Houssa de 1988 à 2011,
C. Decour de 1990 à 2002,
T. Closset de 2001 à 2002,
Olivier Mathieu de 2008 à 2012.
Depuis 2006, l’école communale de Sart-Tiège-Solwaster est dirigée par Nicole Grégoire. Sur le site de Solwaster, elle est aidée dans sa tâche par : Rosa Appeldoorn-Di Sante (institutrice maternelle, elle a ouvert la section au milieu des années quatre-vingts), Muriel Largefeuille et Cécile Soquette.
La tourbe
Suite au passage dévastateur des charbonniers travaillant pour l’industrie métallurgique, les princes-évêques décidèrent de protéger leurs forêts. Les Lopets durent alors se rabattre sur les « troufes » (non wallon des briques de tourbe) pour se chauffer. En 1519, Erard de la Marck fit connaître les limites des bois en deçà desquels, il serait désormais interdit de charbonner. Dès 1603, ces limites furent matérialisées sur le terrain par des croix d’embannement (une de celle-ci se situe au lieu-dit « Chafour »).
C’est de fin mai à début juin, que les « troufleûrs » (nom wallon de ceux qui extrayaient la tourbe) gagnaient la fagne afin d’y prélever des troufes pour l’hiver suivant. Ils partaient avec leur brouette, leur bêche, leur coquemar et leur repas. Les habitants de Solwaster extrayaient les briques de tourbe au lieu-dit les « Plates Fosses » et à proximité des « Tapeux ». Une fois extraites, les briques de tourbe étaient étalées sur le sol, et sur champ, afin de réaliser un premier séchage ; par la suite, elles étaient empilées en petits tas ; et enfin, en grands tas en forme de ruches que l’on appelait aussi « sôdârts » (soldats), afin de maintenir une aération finalisant le séchage; au mois d’août, lorsqu’elles étaient bien sèches, on les ramenait au village, très souvent à l’aide d’un char à bœufs.
Le premier usage était domestique, il fallait quinze mille briques par an pour une famille. La tourbe était également vendue dans les localités voisines : Spa (les maréchaux-ferrants l’achetaient pour le ferrage des roues de charrettes), Stavelot (la postellerie en réclamait une bonne part) et Malmedy (la papeterie locale l’utilisait toujours au 19e siècle). L’extraction de la tourbe a quasiment cessé fin des années trente. Les bains de tourbe, une exclusivité des thermes spadois, sont réputés pour soulager les rhumatismes. Vers 1930, afin de fournir les thermes en tourbe, Spa-Monopole acheta plusieurs prairies, le long de la Hoëgne, au lieu-dit « è lès Fâs », à proximité de la scierie Bronfort (fermée depuis 2012 – dénommée en 1907, Scierie du Roslin). Le site d’extraction de la tourbe fut exploité de 1935 à 1994. Aujourd’hui, c’est dans la région d’Ovifat que le centre thermal se fournit.
Le dolmen
Le « dolmen » de Solwaster, un énorme bloc de quartzite cambrien situé dans le bois du « Hoûssé », est connu depuis la fin du 19e siècle. C’est en effet en septembre 1887, que Théodore Britte, un fontainier verviétois, découvre cette grande dalle de 3,8m de long, 2,6m de large et 0,8m d’épaisseur. D’emblée, il s’interroge sur son origine et s’adresse à Elisée Harroy, directeur de l’école normale de Verviers et passionné de préhistoire. Ce dernier prétendit voir dans cette « pierre » un dolmen et ameuta archéologues et historiens. Pourtant, les uns après les autres, ceux-ci réfutèrent ses interprétations et conclurent qu’il s’agissait uniquement d’un phénomène géologique.
En 1921, néanmoins, la Commission Royale des Monuments et des Sites reconnaissait à ce gros bloc de pierre qualifié « Dolmen de Solwaster » un mérite historique et pittoresque justifiant son inscription sur la liste des sites intéressants du pays. Dans un rapport récent (2012), des géologues de l’université de Liège réactualisent la critique géologique de ce pseudo-monument mégalithique en concluant : « Nous proposons donc d’abandonner l’hypothèse du dolmen, et de présenter cette roche comme un simple mégalithe mis en place par des processus naturels ayant agi en climat périglaciaire ». Alors, dolmen ou pseudo-dolmen … Légende ou réalité ?
Le rocher de Bilisse
Presque en face du dolmen, sur la rive droite de la Statte, se dresse le rocher de Bilisse. Cette masse énorme, de près de soixante mètres de hauteur, se dresse à pic au milieu des bois et surplombe toute la vallée. Le rocher de Bilisse (lu roché dèl Bilèsse) est constitué d’une série de bancs de quartzite dans laquelle quelques bancs de phyllade sont intercalés. Le début de la formation du rocher de Bilisse remonte au Cambrien, à cette époque la région de Solwaster était en réalité un fond marin. Le nom de Bilisse serait d’origine celtique : bîl signifiant saillant et lisse ou lesse provenant de la lech (la pierre). D’où bîllech = rocher saillant !
Les commerces
L’activité actuelle du village a été mentionnée ci-avant. Au siècle dernier, parmi les commerces, on peut citer : le café-salle du Dolmen tenu par Philomène Manguette, le café-salle Pironet-Nicolet (devenu ensuite le café-épicerie Bayer tenu par Antoine, puis par sa fille Lisa), la boucherie Bayer, la boulangerie exploitée par Gustave Letiexhe (actuellement la brasserie La Cagna), la meunerie de Michel Thorez (par la suite pension-restaurant du moulin Thorez tenu par sa fille et son gendre ; il y a quelques années : magasin d’aliments pour bétail), la scierie du Roslin (par la suite scierie Bronfort), l’épicerie de Joséphine Schmitz-Koch (jusqu’il y a peu de temps, le restaurant Le Vinave), l’épicerie d’Alberte Letiexhe, la boulangerie-épicerie d’Henri Bastin, le restaurant de Maison Fagne, le magasin de vins et spiritueux de Léontine Raskin-Laurent.
Les ardoisières
En août 1720, l’avocat Hauzeur reçut l’autorisation d’exploiter les carrières d’ardoises et les mines de houille se trouvant dans les bois communaux sartois. En avril 1773, un dénommé Sarem exploita l’ardoisière située au lieu-dit « Houlpai » à Solwaster. Bien plus tard, en 1896, lors de l’agrandissement de l’église paroissiale, le toit de l’édifice fut réalisé avec des ardoises provenant de ce même site.
En janvier 1863, la Société Forestière de Gospinal sollicite et obtient l’autorisation d’ouvrir une ardoisière (Lu Hayîre) dans le Roslin. Malheureusement, l’aventure s’arrêta après deux ans, car malgré de puissantes pompes, le puits d’extraction était continuellement inondé. Une trentaine d’années plus tard, une société verviétoise creusa une longue galerie dans le bois de Roslin ; une roue hydraulique, actionnée par la Hoëgne toute proche, était utilisée pour l’extraction de l’ardoise, qui était façonnée sur place. La rareté des commandes accéléra la fermeture de l’entreprise. En 1898, la Société Ardoisière de Roslin de Sart obtient l’autorisation d’ouvrir une ardoisière souterraine dans le bois de Roslin. L’activité aurait cessé début du 20e siècle en raison de l’inondation de la galerie et de la mauvaise qualité des ardoises produites !
Les Echos de la Vallée de la Hoëgne
L’A.S.B.L. « Les Echos de la Vallée de la Hoëgne » voit le jour en 1904. Initialement société chorale, elle organise de nos jours des activités culturelles ou autres qui animent le village. Au début de sa création, la société solwasteroise se réunissait au café du village. Après la Seconde Guerre mondiale (début janvier 1949), la décision est prise, une salle des fêtes sera construite dans le village. Les corps de métier se succédèrent de façon effrénée si bien que pour la kermesse de mai, la salle était terminée. Un bal y fut même organisé. La salle sera inaugurée officiellement le 18 septembre 1949. Par la suite, elle sera agrandie en 1986 et en 1990. La salle de la Jeunesse de Solwaster est gérée par la Société Royale « Les Echos de la Vallée de la Hoëgne ».
Le pèlerinage à la chapelle Fischbach
Peu après la construction de la chapelle Fischbach en 1831, une épidémie de dysenterie se propagea dans toute la région. Solwaster, comme les autres villages de la commune de Sart, n’y échappa pas. Elle fut d’une telle importance, qu’à part le curé de la paroisse presque tout le monde fut contaminé. Seul pour soigner les malades, il fit le vœu d’organiser chaque année un pèlerinage à la chapelle Fischbach, dédiée à Notre-Dame de Bon Secours, si le fléau était enrayé. L’épidémie régressant, le 8 septembre suivant, fête de la « petite Notre-Dame », il conduisit ses ouailles à la chapelle fagnarde. Comme le temps était magnifique et la chaleur accablante, les haltes furent nombreuses durant lesquelles les paroissiens pour se rafraichir mangèrent abondamment myrtilles et airelles présentes sur la lande fagnarde. Ce fut un vrai remède contre la maladie ! Est-ce la raison de la fin de l’épidémie ? N’empêche, elle avait disparu ! Depuis lors, le pèlerinage fut organisé de nombreuses années, puis disparu fin des années soixante. L’année dernière, au mois d’août, le Comité culturel de Sart-Jalhay a renoué avec la tradition. De nombreux pèlerins, avec à leur tête le curé de la paroisse, ont parcouru les 9 kilomètres qui séparent la chapelle de Solwaster et la chapelle Fischbach.
La presse locale
Depuis 54 ans, une publication mensuelle, intitulée « A l’Ombre du Clocher – Ecole communale de Solwaster », est proposée aux Solwasterois et à toute personne intéressée. Cette petite revue parle entre autres de la vie à l’école, d’histoire locale et de l’actualité villageoise. A découvrir ! Info 087474457 et 087 474273 (durant les heures scolaires).
Jean Lecampinaire
Sources :
è Solwâster (Jean Filot – Philippe Fransolet – Charles Merch – 1983)
Au pays de Spa (Editions J’Ose – 1939)
Petite histoire sartoise (Michel Carmanne – 2005)L
Histoire du ban et de la commune de Sart (François Michoël – S.d)
Les ardoisières de l’Ardenne belge (Annie Remacle – 2007)
La toponymie de la commune de Sart-lez-Spa (Guy Vitrier – 1963)
www.solwaster.be
Mme Rosa Appeldoorn – Di Sante, MM José Laurent et Joseph Laurent
Bonjour, avez vous des archives sur mon grand père Pol Blandiaux qui fut instituteur à Solwaster ?
Merci Yves Blandiaux