Spa et la Garde civique

Aperçu historique

En octobre 1830, le Gouvernement provisoire décrète la création d’une Garde civique sur tout le territoire de la Belgique. Sa mission : maintenir l’obéissance aux lois, conserver ou rétablir la paix publique et l’ordre, seconder l’armée nationale dans ses opérations intérieures et assurer l’indépendance du pays et l’intégrité du territoire. La Garde civique dépend du Ministère de l’Intérieur et est organisée par Cantons de justice de paix.
Le corps cantonal est formé par un bataillon de 1200 hommes maximum. Au-delà, il se dénomme légion et se divise en bataillons de 800 hommes. Le bataillon se compose de compagnies de 100 à 150 hommes. Les hommes d’une même commune sont rassemblés dans la même compagnie.

Après 1839 et la paix définitive avec les Pays-Bas, le dynamisme de la Garde civique s’étiole et cela jusqu’à la troisième révolution française de février 1848. Ces turbulences voisines incitent alors le Gouvernement belge à renforcer cette institution.

En 1848, l’organisation des compagnies est déléguée aux Gouvernements provinciaux. L’Administration provinciale envoie aux bourgmestres les listes alphabétiques des citoyens susceptibles de faire partie de la Garde civique.
La Commune devient donc la base de l’organisation de la Garde civique et la majorité des hommes de 21 à 50 ans (40 ans dès 1897) jouissant de leurs droits civils sont concernés.
Toutefois, il faut faire la distinction entre les compagnies actives ou non-actives de gardes civiques. Les compagnies actives fonctionnent dans les communes d’au moins 3.000 habitants (10.000 à partir de 1853).

En 1858, le Gouvernement belge, via Charles Rogier, son Ministre de l’Intérieur, crée une commission qui assure l’organisation régulière et annuelle de concours de tir. Il faut en effet assurer l’entraînement de la Garde civique.

En 1897, une nouvelle loi réorganise son fonctionnement. Puis en 1913, l’instauration du service militaire obligatoire pour tous les hommes remet en question son existence. Après la 1ère Guerre mondiale, plutôt que de la maintenir au côté d’une armée mieux organisée et entraînée, le Gouvernement décide, en juin 1920, de la dissoudre. L’Arrêté Royal du 24 juillet 1920 marqua la fin officielle de cette institution.

Les gardes civiques à Spa

Le 22 août 1832, Lambert Spailier, sous-lieutenant à l’Etat-Major, est désigné comme instructeur des gardes civiques du canton de Spa ayant à leur tête le colonel David, le lieutenant-colonel Rosette et le capitaine Misson.
Cette milice citoyenne cantonale, organisée en force de police, était réquisitionnée par les bourgmestres au moindre trouble. En 1849, l’effectif du canton spadois se composait de 499 hommes et 159 réservistes.

Chaque année, des manœuvres étaient organisées. Voici ce que dit le rapport communal spadois pour celles de 1894-1895 : « Les opérations de la garde civique ont eu lieu, comme d’habitude, en décembre et en janvier et n’ont été l’objet d’aucune réclamation. De 65 inscrits, 1 a été exempté définitivement pour cause physique ; 50 ont été désignés pour le service actif et 14 pour la réserve. Le Conseil de recensement, dûment constitué, a fonctionné régulièrement, sous la présidence du chef de la garde ».

En 1905, la garde civique spadoise était dirigée par le sous-lieutenant Simon et en 1914 par le capitaine Colette ; l’effectif se composait alors de 148 hommes.

Stands de tir spadois utilisés par la Garde civique

Affiche du Grand Concours International de 1895 (Collection Musées de la Ville d’eaux)

Affiche du Grand Concours International de 1895 (Collection Musées de la Ville d’eaux)


Des compétitions de tir réunissant des gardes civiques de plusieurs régions du pays se déroulèrent fréquemment à Spa suite à la décision gouvernementale de 1858.

La première compétition connue se déroula le 4 septembre 1859. La Commission gérant les jeux de la Ville de Spa avait organisé des séances de tir à la carabine pour les amateurs et les gardes civiques. Des invitations avaient été adressées aux commandants des gardes civiques de tout le royaume. Les commerçants spadois avaient apprécié ce concours car des centaines de gardes civiques et autres amateurs de tir avaient fréquenté la cité thermale. Où se situait le stand de tir ?

Le second concours de tir organisé fut international, il se déroula du 22 au 25 septembre 1869. Cette année-là, la Ville de Liège et l’Administration Communale de Spa avaient décidé d’établir un stand à la Sauvenière, à peu près en face de l’hippodrome, de l’autre côté de la route qui mène à Francorchamps. Il y avait 14 cibles fixes (distances : 175m, 550m, 750m et 1000m). Des trains spéciaux furent affrétés. Etonnamment, malgré l’immense succès du concours, l’évènement resta sans suite et le stand de tir ne vécut que durant ces quelques jours

1874 : Le stand de tir de Nivezé (photo collection J.-P. Henrard)

1874 : Le stand de tir de Nivezé (photo collection J.-P. Henrard)

En 1872, à l’emplacement de l’actuel lac de Warfaaz, un champ de tir est créé à l’initiative de la société de tir à la carabine « Saint-Hubert » de Spa. Ce stand, dénommé stand de Nivezé, est d’après les utilisateurs un des plus beaux et des plus pittoresques stands de Belgique. Distances des cibles : 100m, 300m 500m, 750m et 1000m. Le stand fonctionnera jusqu’en 1883. Les concours de tir, organisés régulièrement, seront fréquentés par les gardes civiques du Royaume.

Au printemps 1895, l’Administration Communale spadoise décide d’organiser du 17 août au 17 septembre un Grand Concours International de Tir. Les autorités souhaiteraient l’établissement d’un stand permanent sur les fagnes spadoises mais les moyens manquent. On propose alors d’établir le champ de tir à Creppe, mais il constituerait un danger pour les habitants et le bétail. Finalement, après bien des discussions, on décide d’établir le tir à Mambaye. Distances des cibles : 200m et 500m. Dans le palmarès figurent de nombreux gardes civiques. Le concours remporta un énorme succès à la satisfaction des hôteliers et commerçants spadois, toutefois le stand de tir de Mambaye ne fut plus utilisé par après.

Plan de la brochure intitulée « De l’utilité et de la possibilité de créer à Spa un Tir pour la Garde Civique » (Collection Fonds Body)

Plan de la brochure intitulée « De l’utilité et de la possibilité de créer à Spa un Tir pour la Garde Civique » (Collection Fonds Body)

Au printemps 1901, la Députation Permanente autorise l’installation d’un stand de tir à l’arme de guerre, à droite de la route menant à Francorchamps, juste en face du stand du tir aux pigeons. Des bâtiments provisoires en planches sont édifiés et l’inauguration du stand provisoire de Malchamps a lieu le 16 juin. Distances des cibles : 200m et 500m. Les gardes civiques de Liège et de Verviers y viennent par compagnie, tous les dimanches de juin à fin septembre. Le tir provisoire sera encore utilisé l’année suivante et des nouvelles cibles (distances : 300m, 400m et 650m) s’ajouteront à celles déjà existante.

En 1903, l’idée de créer à Malchamps un camp permanent pour la garde civique ainsi qu’un stand de de tir en dur est à l’ordre du jour mais le projet n’aboutira pas. Néanmoins, l’idée de créer un stand de tir en dur fait son chemin. Toutefois en 1905, le tir provisoire est toujours utilisé avec beaucoup de succès.

Début juin 1905, la Ville de Spa rachète le site et fait construire dès l’année suivante un stand permanent avec des bâtiments en dur. Les installations du tir de Malchamps sont inaugurées le 16 juin 1907 lors du « Grand Concours International de Tir » placé sous le haut patronage du Prince Albert de Belgique (voir Réalités n°345 : Le tir de Malchamps).

Ce complexe impressionnant permettait le tir à l’arme de guerre, mais aussi le tir au révolver, à la carabine, à l’arc et même à l’arbalète, et ceci aux distances de 12, 30, 50, 100, 200, 300, 400, 500, 600, 800 et 1.000 mètres.

1907 : Des gardes civiques posent devant le Tir de Malchamps (photo collection Fonds Body)

1907 : Des gardes civiques posent devant le Tir de Malchamps (photo collection Fonds Body)


Les installations du tir de Malchamps s’étendaient sur 2 niveaux, comprenant chacun 27 emplacements de tir, offrant ainsi à 54 tireurs la possibilité de s’entraîner simultanément à l’abri des intempéries. Le tir de Malchamps, qualifié d’incomparable en 1907, fut le théâtre de nombreuses manifestations au cours des années suivantes. De nombreux détachements des gardes civiques viendront sur les hauteurs spadoises jusqu’en 1914.

Bataillon de chasseurs éclaireurs de la Garde civique d’Anvers à Malchamps les 18,19 et 20 mai 1907

Bataillon de chasseurs éclaireurs de la Garde civique d’Anvers à Malchamps les 18,19 et 20 mai 1907

Néanmoins en 1913, la Ville de Spa vend le site du tir de Malchamps à l’Etat belge tout en gardant la possibilité de l’utiliser sans devoir l’entretenir et en conservant la pleine propriété des bâtiments. Cette situation, très particulière, finit par avoir des conséquences néfastes, car même si après la Première Guerre le site est utilisé par le 4ème Lancier caserné à Spa, les installations ne sont guère entretenues et dès 1921, elles se dégradent progressivement.

Etat-major de la Garde civique d’Anvers à Malchamps les 18,19 et 20 mai 1907

Etat-major de la Garde civique d’Anvers à Malchamps les 18,19 et 20 mai 1907


En 1961, le Ministère de la Défense renonce définitivement à l’usage du champ de tir de Malchamps. Depuis lors, la nature a repris ses droits et reconquis le site. A part quelques vestiges, rien ne subsiste de ces imposantes installations.

Jean Lecampinaire
Sources :
150 Ans de tir à Spa (James Lohest – S.n. – s.d.) ,
Cent-cinquante ans d’Histoire de Spa (Georges Spailier – Editions J’Ose – 1979) ,
Inventaire des archives de la Province de Liège – Série Garde civique.


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